Face à la détérioration de la situation sécuritaire dans l’Est de la République Démocratique du Congo, le constat est amer : la volonté du Président Félix Tshisekedi de nouer, en dépit de sa très bonne foi, des relations harmonieuses avec les partenaires régionaux et internationaux du pays ne rencontre pas (encore clairement) la même disposition dans le chef de ces derniers. Ce, en dépit de multiples voyages effectués par le chef de l’État dans les neuf Etats voisins, dans le reste de l’Afrique et dans le monde extracontinental.
Face à l’agression du Rwanda, les Congolais, surtout ceux d’en haut, se retrouvent, à n’en point douter, dans une solitude qui, au-delà des considérations émotionnelles, devrait inciter à une réflexion froide sur le sens d’une attitude générale de soutien timide à la RDC, pourtant « victime d’acte d’agression ». Il faille miser avant tout sur la mobilisation des Congolais avant de tourner le regard vers l’appui extérieur.
La suspension de fait des initiatives de paix de Nairobi et de Luanda, à cause de la tenue des élections au Kenya et en Angola, semble avoir joué en défaveur de la RDC.
Elle a permis au M23 de se réorganiser et de consolider ses positions. Suite à la reprise des hostilités, le 20 octobre, entre les Forces armées de la RDC et ce mouvement armé appuyé par le Rwanda, tel qu’attesté par laddendum d’août 2022 du Groupe d’experts des Nations Unies sur la RDC, il s’observe une remobilisation subite au niveau sous-régional et un empressement de déploiement des troupes kényanes de la Force régionale sans encore le mandat de la communauté de l’Afrique de l’Est dans l’Est du pays. Mais, pour la survie et la grandeur d’un Etat, seuls ses filles et fils sont les premiers et derniers à en payer le prix. Les récentes manifestations populaires à Goma prouvent l’importance du soutien populaire face à l’« ennemi ». Ce, malgré et au-delà de l’action militaire.
« Pour Clausewitz, la guerre populaire consiste donc à mobiliser le peuple pour combattre au nom de l’État. Cette armée populaire est active uniquement comme force de défense. Il fait même de l’infériorité numérique et de la position de défense un atout considérable () Clausewitz donne l’avantage à la défense et fait de la guerre populaire un atout considérable pour les États.» (Alidovitch, le 15 mars 2017).
En 1998, la préservation et la conservation de l’imperium par Laurent-Désiré Kabila sont intimement liées au soutien populaire des Kinois persuadés du danger pesant sur leur Etat ainsi que leur vie individuelle et collective suite auquel ils ont tenu face à des « infiltrés » munis d’armes et de munitions.
En 2004, c’est la population estudiantine d’abord puis générale ensuite qui exerça, des jours durant, des pressions majeures sur la MONUC au point d’arracher le retrait du colonel Jules MUTEBUSI dont la mutinerie lui avait permis de prendre le contrôle de la ville de Bukavu.
Face aux atermoiements des partenaires extérieurs de la RDC, le gouvernement congolais dispose d’une arme redoutable dont un meilleur usage peut contribuer à renverser, en faveur de l’armée nationale, la donne sur le théâtre des combats face à l’agresseur. Ceci requiert une stratégie de gestion rigoureuse des masses dont la versatilité et les risques d’infiltration constituent des menaces à anticiper et à contrer.
Ceci devrait non pas remettre en cause mais plutôt limiter, dans une certaine mesure, le recours à la « guerre populaire » sans la déconsidérer.
A cet effet, il est utile, pour les services de défense et de sécurité, de constituer une « armée de civils » formés dans la gestion des masses et les renseignements au niveau local pour une prise en charge responsable et rigoureuse des forces populaires par les siennes. Il sied de veiller à ne pas laisser se développer des initiatives locales incontrôlées qui pourraient constituer des germes d’une insécurité à terme.
La « guerre populaire » constitue un véritable levier que le gouvernement peut prudemment exploiter pour exercer des pressions supplémentaires face à l’agression.
Dans un contexte d’élaboration de la politique de défense nationale, cette donne mérite une prise en compte et des dispositions pratiques d’éloignement du phénomène Maï Maï aux incidences variantes suivant les dynamiques.
Lembisa Tini (PhD)