La problématique du prétendu embargo des armes en République Démocratique du Congo est de nouveau évoquée, par le gouvernement congolais, sur la place publique dans un contexte de détérioration de la situation sécuritaire dans l’Est du pays. Présenté par les bouches autorisées du Congo d’en haut comme une sanction inédite à son encontre et, en même temps, comme un soutien implicite à l’agression dont le pays est victime, cet embargo sur les armes relève davantage d’une perception non sans incidences sur et en défaveur de la RDC.
Au travers de sa résolution 1807 du 31 mars 2008 adoptée à l’unanimité, le conseil de sécurité a levé les restrictions imposées au gouvernement de la RDC en matière d’armements, et maintenu l’embargo contre les groupes armés. Il va sans dire qu’en vertu de cette résolution, l’embargo sur les armes en RDC vise non plus le gouvernement mais plutôt uniquement les groupes armés évalués, non sans une dose d’exagération dans certains milieux, à une centaine.
Par le passé, certains groupes armés ont bénéficié, à en croire des rapports du Groupe d’experts des Nations Unies sur la RDC, de l’appui logistique de l’armée congolaise en vue de l’accompagner dans la traque des forces négatives. Selon Human Right Watch, les Forces armées de la RDC ont conclu une alliance, en mai dernier, avec certains mouvements armés tant locaux qu’étrangers pour combattre le M23. Ceci est de nature à croire à la livraison d’armes à ces derniers, pourtant sous embargo. De quoi porter atteinte à la crédibilité de l’Etat congolais.
Au fond, l’Exécutif congolais n’a pas tort de tenter de faire pression sur le Conseil de sécurité des Nations unies compétent, dans le contexte de l’heure, pour le libérer du joug du « régime de notification préalable » faisant suite à la levée, en 2008, de l’embargo sur les armes à l’encontre du Gouvernement.
Rappelons : quand bien même il serait mentionné dans des documents officiels du Conseil de securité « l’embargo sur les armes en RDC », ceci ne concerne que les groupes armés actifs dans la partie orientale du territoire congolais.
A l’analyse, le régime de notification préalable, c’est-à-dire le devoir des fournisseurs et transporteurs d’armes, munitions et autres équipements militaires à la RDC d’en informer préalablement le comité des sanctions du Conseil de sécurité, ne porte nullement atteinte à la liberté du Gouvernement congolais de se déployer et de négocier à sa guise sur le marché des armements. Bien au contraire, ceci devrait rassurer la RDC, longtemps accusée par les experts onusiens, de fournir des armes à des groupes armés, de se conformer strictement à l’embargo pesant sur ces derniers.
De quoi, pour la RDC, capitaliser son exemplarité avérée pour réclamer au conseil de securité la détermination de l’origine des armes dont se sert notamment le M23, mieux équipé que la Monusco, selon le Secrétaire Général des Nations Unies.
Ceci atteste la nécessité pour le gouvernement congolais de s’investir davantage pour reconstruire et susciter des perceptions positives des Forces armées de la RDC dans le chef des opérateurs d’armes sur le marché licite. C’est ce défi qui est à relever pour surmonter les obstacles d’approvisionnements en armes liés à la réticence de potentiels fournisseurs et transporteurs d’armes, de munitions et autres équipements militaires dont la RDC a grandement besoin pour imposer sa puissance mise à l’épreuve dans les zones d’opérations contre des groupes armés.
A vrai dire, les marchands d’armes redouteraient de subir les effets fâcheux d’un éventuel détournement ou transfèrement vers des groupes armés, sous embargo, d’armes livrés ou portés en RDC par leur soin. Courir le risque de porter, malgré les précautions de licité dans la livraison et le transport d’armes, une quelconque responsabilité indirecte du « carnage » dans l’Est de la RDC est loin de relever de la banalité aux yeux des opérateurs rigoureux dans leurs activités économiques et, surtout, non garantis par leurs Gouvernements de bénéficier d’une éventuelle couverture.
La RDC reste butée au défi d’un très strict contrôle de circulation d’armes dans ce pays continent où des entrepreneurs de violences armées refusent de renoncer à ce business de mauvais goût. Dès lors, au-delà de la levée de l’embargo sur les armes en faveur du gouvernement congolais, ce dernier devrait
poursuivre sans désemparer la réforme du secteur de sécurité dont les évaluations régulières ouvertes, dans les proportions de l’acceptable, aux partenaires extérieurs et à la société civile pourraient participer de la mobilisation internationale pour une affirmation sans entrave ni limites de son droit d’approvisionnements en armes, munitions et autres équipements militaires.
Dès lors, le plus difficile pour le gouvernement congolais n’est pas de prouver de manière cartésienne au travers de ses postures discursives qu’il a raison de plaider pour la levée du régime de notification préalable. Il doit plutôt s’employer à persuader ses interlocuteurs, notamment les permanents du Conseil de securité. A ce stade, il faille d’abord bien saisir les termes de la rationalité en vigueur pour gagner le pari.
Lembisa Tini (PhD)