Samedi 19 novembre, toute la RDC, ou presque, suit de très près, dans ce « village planétaire », les interactions des chefs d’État et de Gouvernement au 18ème sommet de lOrganisation internationale de la Francophonie (OIF) à Djerba en Tunisie.
Malgré le boycott par son Premier Ministre de la photo de famille, « pour ne pas safficher avec Paul Kagamé accusé de mener une guerre de prédation en RDC », Kinshasa n’a pas réussi à arracher une « condamnation » du Rwanda. Bien au contraire, ce dernier a bénéficié du renouvellement du mandat de sa citoyenne, Louise Mushikiwabo, au poste de secrétaire Général de cette organisation intergouvernementale.
Près d’une semaine après la tenue de ce sommet, auquel le Président de la RDC Félix Tshisekedi n’a pas pris part, INFOS.CD revient sur cette grand-messe où Kinshasa et Kigali se sont livrés une intense bataille diplomatique.
En effet, à la réunion ministérielle tenue le vendredi 18 novembre, il y a eu escalade verbale entre le ministre congolais de l’Intégration régionale, Didier Mazenga, et son homologue rwandais en charge des Affaires étrangères, Vincent Biruta, tous deux priés de quitter la salle des travaux pour négocier un compromis sur des termes de la Résolution, expliquait à INFOS.CD un expert de l’OIF. Tandis que la RDC insistait sur la nécessité d’y invoquer sans ambages la « condamnation de l’agression rwandaise », Kigali s’y opposait mordicus.
Au final, l’OIF a préféré renvoyé dos à dos Kinshasa et Kigali, préférant des termes génériques évoquant la « condamnation des violences armées perpétrées dans l’Est de la RDC » où, d’une part, opère l’armée rwandaise sous le couvert du M23, et, dautre part, les FDLR qui, selon l’ONG américaine Human Right Watch, auraient conclu une alliance avec des unités de l’armée congolaise.
Impréparation de la RDC
A en croire des sources diplomatiques contactées par INFOS.CD, la principale raison de l’insuccès de l’action diplomatique de la RDC au sommet de l’OIF est « son réveil tardif ». « Dans ces genres de cénacles, les décisions ne se négocient pas la veille », martèle un diplomate en poste à Kinshasa. En effet, c’est Bestine Kazadi, représentante personnelle du chef de l’État congolais auprès de l’OIF, qui, la première, a osé remuer ciel et terre pour tenter non sans peine de sensibiliser les chefs des missions diplomatiques accrédités à Kinshasa sur la détérioration de la situation sécuritaire dans l’Est et, par conséquent, l’exacerbation de la crise humanitaire. Ce, avant de solliciter leur soutien pour une fermeté de l’OIF face au Rwanda.
Problème : l’ancienne conseillère spéciale du Président de la République en charge de la coopération internationale et de l’intégration régionale n’a pris officiellement ses nouvelles fonctions qu’une semaine avant le sommet tenu les 19 et 20 novembre. Cela, après une visite à Paris au siège de l’OIF où elle a présenté, le 10 novembre, ses lettres de créance auprès de Louise Mushikiwabo, secrétaire générale de cette organisation internationale. Cette cérémonie de présentation des lettres de créances, du reste sans protocole, dont la date a été fixée par la représentante permanente du chef de l’État congolais, n’a pas joué en sa faveur.
En effet, auparavant, cette avocate réputée francophile avait convoqué à deux reprises les groupes des ambassadeurs des pays francophones à la cité de l’Union africaine. « Ce furent des réunions informelles auxquelles nous avions participé sans véritable interaction car notre interlocutrice (Bestine Kazadi, ndla) ne revêtait pas encore la qualité requise eu égard aux us et coutumes au sein de notre organisation », explique un diplomate africain à INFOS.CD. Y ont pris part, entre autres, les ambassadeurs et chefs de missions diplomatiques de la Belgique, du Cameroun, du Congo, de la Côte dIvoire, de l’Égypte, de la France, de la Guinée, du Maroc, de la Suisse, du Sénégal.
C’est en fin octobre, soit un peu plus de deux mois après sa nomination et à quelques jours du sommet, que Bestine Kazadi a officiellement pris ses fonctions à la suite de la cérémonie de remise et reprise avec Isabelle Machik Tshombe, nommée ambassadrice de la RDC auprès de la France en octobre 2021. Le poste de Représentant personnel du chef de l’État auprès de lOIF est resté « politiquement » vacant jusqu’à la promulgation de l’ordonnance nommant Bestine Kazadi à ce poste en août.
Il s’est donc écoulé des mois sans préparation avérée de la RDC au 18ème sommet de lOIF. Cest au représentant personnel du chef de l’État auprès de l’OIF qu’incombe la responsabilité de siéger au sein du Conseil permanent de la francophonie, organe de l’OIF chargé de la préparation et du suivi du sommet sous l’autorité de la conférence ministérielle.
Défaut de coordination
La RDC comprend plusieurs instances dont les compétences se rapportent aux activités de l’OIF. Il sagit notamment de la Présidence de la République, de la Primature, du Ministère des Affaires étrangères, du Ministère de l’Intégration régionale et Francophonie, etc. A en croire des sources concordantes, aucune réunion n’a réuni les délégués de ces structures pour définir la vision et les stratégies de promotion et de défense des intérêts du pays au sommet de l’OIF.
Selon des indiscrétions du cabinet du ministre des Affaires étrangères, c’est Christophe Lutundula, réputé être dur parmi les durs face à Kigali, qui a orienté Bestine Kazadi sur les postures à afficher aux travaux de la Commission de rédaction des documents de l’OIF. Aux travaux ministériels, c’est Didier Mazenga, le ministère en charge de l’Intégration régionale et Francophonie, qui y a plutôt participé sans concertations préalables à Kinshasa avec Bestine Kazadi.
A Djerba, la réunion de coordination de la RDC autour du Premier Ministre Jean Michel Sama s’est tenue la nuit du 18 au 19 novembre. Y ont pris part notamment les ministres de la Communication et Médias, du Numérique, de l’Intégration régionale et Francophonie. C’est au cours de cette séance de travail que le chef du gouvernement avait décidé de boycotter la cérémonie de photo de famille à l’ouverture du sommet.
Faible influence de la RDC au sein de l’OIF
La RDC est mieux placée pour jouer un rôle de premier plan au sein de l’OIF. Car, elle compte, après la France, le nombre le plus élevé de potentiels locuteurs en langue française. Pourtant, l’influence du pays au sein de cette organisation internationale est sans cesse au rabais.
En effet, la RDC y accuse des arriérés de contributions statutaires. En outre, Kinshasa peine à gagner le pari de l’organisation optimale des Jeux de la Francophonie reprogrammés, après plusieurs reports, en 2023. Les difficultés organisationnelles portent un coup dur sur l’exercice de la puissance du pays au sein de cette organisation où le Rwanda, qui assure la présidence du Commonwealth, réussit à positionner au mieux son ex-ministre des Affaires étrangères Louise Mushikiwabo.
Plusieurs observateurs font remarquer qu’il revient à la RDC et à elle seule de négocier sa place et l’exercice de son influence au sein de l’OIF dont la France reste le chef de file. Ceci requiert de rompre avec de l’improvisation et de s’inscrire dans le long terme en fonction duquel préparer un meilleur positionnement des Congolais à des postes stratégiques au sein de cette organisation.
La rédaction