Le 24 février 2013, onze États africains auxquels se sont joints plus tard deux autres, ont signé l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République Démocratique du Congo et la Région. Il s’en est suivi une dynamique stratégico-diplomatique à la base de la neutralisation du Mouvement du 23 mars (M23) grâce notamment au concours de la brigade d’intervention des Nations unies. Jour pour jour, dix ans après, que vaut encore cet accord, alors que la partie orientale continue d’être en proie à des cycles récurrents res violences armées ? INFOS.CD vous propose une réflexion du Professeur Martin Ziakwau, dans un article scientifique publié il y a quelques jours sous le titre : « L’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République Démocratique du Congo et la Région » à l’épreuve de la résurgence du Mouvement du 23 mars.
Dans sa réflexion, l’auteur, qui présente le processus historique ayant accouché de l’Accord-cadre, soulève des questionnements non moins pertinents dans ce contexte de réactivisme militaire du M23 : quelle est la portée stratégique de l’Accord-cadre dix ans après sa signature ? Pourquoi le Conseil de sécurité n’affiche pas la même intransigeance face au M23 qu’il y a dix ans ? Pourquoi, malgré les éléments probants de l’agression de la RDC par le Rwanda, tels qu’il ressort des rapports du Groupe d’experts des NIi sur la RDC, la »communauté internationale » n’exerce pas autant de presions sur Kigali comme ce fut le cas en 2013 ? Que devrait faire à cet effet la RDC? Pourquoi revitaliser, comme le suggère l’UA, un Accord-cadre qui ne semble pas avoir porté des résultats escomptés?.
Autant de questions auxquels cet article scientifique apporte de l’éclairage et des réponses, dans une perspective de compréhension du problème pour un meilleur décryptage des postures des parties signataires. Il s’agit de : la RDC, ses neuf pays voisins, l’Afrique du sud, le Kenya, le Soudan du sud, ainsi que l’ONU, l’Union Africaine, la CIRGL et la SADC. Les USA, l’Union Européenne, la Belgique, la France, le Royaume Uni y interviennent en qualité de « partenaires internationaux » nommément cités dans cet Accord-cadre.
Structure de l’Accord-cadre
L’Accord-cadre, dont la signature est étroitement liée à l’existence du M23, prescrit des actions concrètes, traduites par des engagements de la RDC, des pays de la Région et de la « Communauté internationale ». Ces trois types d’engagements diffèrent non seulement du fait de leur référent mais aussi de leur substance.
Il ressort des engagements nationaux souscrits par la RDC la nécessité de repenser sérieusement l’organisation et le fonctionnement de l’Etat congolais dont les désarticulations sont porteuses des crises à divers égards nuisant à la stabilité de la RDC et de la région.
Au fond, les pays de la rrgion n’ont souscrit à aucun nouvel engagement. En effet, ils ont plutôt renouvelé des engagements déja souscrits du fait de leur adhésion à des organisations intergouvernementales telles que l’ONU et l’UA.
Quant aux engagements de la « Communauté internationale », ils ne le sont que d’apparence. D »autant plus que parler de “Communauté internationale”, dont l’équivocité est non moins évidente, exprime une simplicité langagière dissimulant la part de responsabilité des puissances mondiales, pourtant bien connues, dans la persistance des conflits armés dans l’Est de la RDC.
Résumé de l’article
La résurgence du Mouvement du 23 mars (M23), à partir de novembre 2021, remet sur le tapis la problématique du bienfondé de l’« Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République Démocratique du Congo et la Région », signé le 24 février 2013 à Addis-Abeba (Ethiopie) par une dizaine de Chefs d’Etats et d’institutions internationales. Ce, en vue de faire échec en particulier à l’activisme de ce groupe armé qui avait réussi à prendre le contrôle de la ville de Goma en novembre 2012, et, en général, de mettre un terme aux cycles récurrents des violences armées dans l’Est de l’Etat congolais. Quand bien même les engagements qu’il comprend ne seraient pas assez mis en œuvre suite à des perceptions à la base des postures des parties prenantes, l’Accord-cadre est toujours considéré par le Conseil de sécurité, qui privilégie une solution politique à la crise du M23, comme un mécanisme essentiel pour parvenir à la paix, la sécurité et la stabilité particulièrement en RDC. Ce qui tend à conforter la pertinence de cet instrument juridique international. Il revient à l’Etat congolais, principal concerné dont l’affadissement le réduit aux efforts de survie, de capitaliser les opportunités inhérentes à l’Accord-cadre, moindres seraient-elles, et de s’employer à susciter une « convergence géopolitique » dans la perspective d’une paix véritablement durable dans l’Est de son territoire. A cet effet, il s’impose au Gouvernement congolais, au sens large du terme, de construire une réponse stratégique consistant en un plan global de gestion et de résolution à long terme du problème sécuritaire dans l’Est, comprenant des thérapeutiques précises (militaires et non militaires) aux causes profondes à élucider dans une mise en évidence de la complexité des relations mouvantes des parties prenantes. Il y va de l’efficacité de la lutte contre le système d’insécurité dans l’Est de la RDC, vieux d’environ trois décennies.
Martin Ziakwau, docteur en Relations internationales, Professeur d’université.