Dans le plus grand centre pénitentiaire de la République démocratique du Congo, les conditions de détention varient du meilleur comme du pire selon les moyens des uns et des autres. Reportage.
Il est 14 heures, en ce samedi 11 novembre. Près d’une cinquantaine d’hommes, la plupart sans t-shirt et pieds nus, et quatre femmes sont pratiquement déversés sur la pelouse de l’entrée principale de la prison centrale de Makala. Parmi eux, une personne vivant avec handicap.
Ce sont de nouveaux pensionnaires. Sur le champ, ils sont accueillis par d’autres prisonniers, autorisés à exécuter certaines tâches pénitentiaires. Ciseau à la main, ils rasent en un temps deux mouvements, les différentes têtes. C’est le premier bizutage.
« Si on le fait, ce que l’ordre vient d’en haut », se justifie un détenu coiffeur de circonstance qu’on a interrogé sur le pourquoi de ce traitement dégradant envers les nouveaux.
Après ce bizotage, chaque nouveau venu est identifié et passe à la pesée. Mais le vrai calvaire les attend dans les « hébergements », un bloc dédié aux nouveaux venus.
« Là-bas, les gens sont entassés dans un endroit crasseux où ça sent la merde et l’urine. C’est un véritable enfer. Pour quitter cet endroit et rejoindre une cellule où l’on peut au moins s’allonger, il faut payer au moins 200 dollars. Généralement, c’est des gens de la prison qui viennent avec le téléphone et proposent au détenu d’appeler sa famille pour le paiement de ces frais », raconte un détenu.
Chaque semaine, essentiellement les mercredi et samedi, la prison reçoit des centaines de nouveaux détenus « ramassés » dans différents amigos de Kinshasa.
Plus de 90% d’entre eux ne sont pas jugés et c’est à la prison centrale de Makala qu’ils vont attendre un hypothétique jugement. Cela peut prendre plusieurs années, dans les pires cas.
« Vaut-mieux un mauvais arrangement que Makala »
Entre-temps, la prison de Makala, construite à l’époque coloniale pour accueillir 1500 pensionnaires, continue à s’étouffer. A la dernière semaine, elle a dépassé la barre 13 000 pensionnaires, selon l’administration.
« Vaut-mieux un mauvais arrangement dans la cité qu’accepter de venir ici. C’est un endroit que je ne conseille à personne », avoue un responsable pénitentiaire.
A Makala, il y a des prisonniers fourre-tout, qui viennent ainsi entassés dans des fourgonnettes, il y a aussi de « gros poissons » qui se recrutent parmi les hommes d’affaires, politiques et notoriétés. Et à chacun de cette catégorie sociale, l’on demande jusqu’à 3000 dollars pour une place aux pavillons 1 ou 8 considérés « VIP ».
L’argent répond à tout
« Ici, pour avoir des conditions plus ou moins humaines, il faut avoir l’argent », fait savoir un détenu VIP.
« Tout le monde ici a bouffé au moins une fois mon argent. Je règle même des factures des naissances des enfants à la cité », témoigne-t-il.
Par mois, il doit payer 200 dollars pour occuper une tente qui lui permet de recevoir ses visiteurs. Il loue aussi un petit ventilateur
« Je le loue à 10 000 francs par jour ».
Un repas par jour
A Makala, le repas populaire est servi aux détenus une fois par jour, généralement entre 17h et 20h. Pour le reste, c’est du chacun pour soi. Ceux qui n’ont pas de moyens ni de visite familiale sont de ce fait mal nourris et la plupart meurent de sous-alimentation.
« Il y a des gens ici qui n’ont presque plus de chair », raconte notre prisonnier VIP.
Lui, comme tous les autres détenus « VIP », n’ont pas besoin de la nourriture préparée à la prison. Ils ont de quoi manger à leur goût et à leur faim en commandant la nourriture de l’extérieur.
La Rédaction