Lors de son discours à l’occasion de la rentrée judiciaire 2024-2025, le Premier président de la Cour de cassation n’a visiblement loupé le nouveau ministre d’État dont les relations avec la magistrature restent tendues.
Ces propos du premier président de la Cour de cassation, tenus mardi au Palaisndu peuple à l’occasion de la rentrée judiciaire 2024-2025 devant le chef de l’État et toutes les hautes autorités de la République, si ce n’est pas une pique lancée contre le ministre d’État chargé de la Justice, ce que des piques n’existent pas.
« Magistrats que nous sommes, avons également besoin d’être couverts par la présomption d’innocence par rapport au discours populiste qui nous vilipende à la longueur des journées, même s’il est évident que dans nos rangs il y a certainement des anti-valeurs », déclare, s’adressant au chef de l’État, Elie-Léon Ndomba Ndomba qui dénonce un « tribunal du net ».
Et d’enchaîner :
« Les membres de nos familles, surtout nos enfants, ce dont les parents sont honnêtes et justes, traînent la honte d’être pointés du doigt ou de l’œuvre comme descendants des anti-valeurs alors que nous luttons avec eux pour accompagner votre autorité dans la lutte contre cette peste de la corruption ».
La salle, à majorité constituée des magistrats, l’interrompt avec des applaudissements frénétiques qui le poussent à reprendre ses propos. Le réalisateur de la Radio télévision nationale congolaise (RTNC) sent le coup et choisit l’image en gros plan du ministre de la Justice Constant Mutamba, qui esquive un sourire narquois.
Si la séquence attire la curiosité, c’est parce qu’elle intervient en plein bras de fer entre la magistrature et le nouveau ministre nommé dans le gouvernement Suminwa. Omniprésent dans les médias, Constant Mutamba ne cesse d’étaler sur place publique le comportement des « magistrats vereux ». Une attitude peu appréciée par des magistrats qui reprochent au ministre son immixtion dans les affaires de la justice.
Malgré quelques tentatives de reconciliation, notamment la décision de mettre en place un cadre de concertation pour parler des problèmes du secteur, rien ne semble évoluer dans le sens d’un apaisement entre les deux camps.
La dernière escalade concerne une série de libérations des prisonniers dans des prisons orchestrées par Constant.
Le 21 septembre, ce dernier a fait libérer 648 prisonniers dans le cadre de la politique de désengorgement de la prison centrale de Makala. Et dans une correspondance adressée le 11 octobre aux procureurs généraux près les Cours d’appels de la Gombe et de Matete, Firmin Mvonde Mambu, procureur général près la Cour de cassation, a qualifié tout bonnement les bénéficiaires de cette liberté conditionnelle d’« évadés » ayant « quitté la prison en dehors de tout critère légal ».
Pour lui, certains de ces prisonniers libérés sont, depuis près de trois semaines, de la recrudescence des cas d’extorsion, de vol qualifié par effraction ou à l’aide des violences voire à mains armées et d’attentat à la vie humaine, dans la ville de Kinshasa.
« Je vous instruis d’activer tous les mécanismes de droit pour rechercher activement ces malfrats, les arrêter et les traduire devant les juridictions compétentes afin qu’ils répondent de leurs forfaitures », recommande Firmin Mvonde, tel un défi lancé, sans le citer, au ministre de la Justice.
Ce dernier n’a pas manqué de réagir. Sur X le dimanche 13 octobre, Constant Mutamba signe et persiste :
« Les désengorgements des prisons, amorcés dans le cadre de la mise en œuvre du programme d’actions du gouvernement Suminwa, sur instructions du Magistrat Suprême, sont légaux et réguliers. »
Le ministre a indiqué que les listes des prisonniers libérés lui ont été proposées par des commissions constituées des magistrats et agents pénitentiaires, « conformément à la nouvelle loi pénitentiaire ».
« Rien n’arrêtera cet engagement ferme du gouvernement à humaniser nos prisons et cachots, et à veiller à la régularisation des emprisonnements. Le salut du peuple est la loi suprême », réplique Constant Mutamba qui a libéré le 7 octobre dernier 270 détenus à la prison de Kasapa, à Lubumbashi.
#RDC Les désengorgements des prisons, amorcés dans le cadre de la mise en œuvre du Programme d'Actions du Gouvernement Suminwa, sur instructions du Magistrat Suprême, sont légaux et réguliers.
Ce sont les commissions constituées des Magistrats et agents pénitentiaires qui…— Constant Mutamba (@ConstantMutamba) October 13, 2024
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