Depuis le 28 janvier dernier, la ville de Goma est passée sous le contrôle des rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, après des combats intenses qui ont fait de nombreuses victimes. Deux mois plus tard, les conséquences humaines sont criantes, en particulier pour les familles des militaires, devenues invisibles dans la tragédie.
Parmi les plus touchées, les épouses et filles de militaires vivent un calvaire silencieux. Concentrées dans des écoles et églises notamment Baraka, Kisoko et Notre-Dame, elles tentent de survivre dans une insécurité constante.
« Nous ne dormons pas deux fois au même endroit », confie une mère, les larmes aux yeux. La peur d’être arrêtées ou violentées est quotidienne, surtout pour leurs enfants.
Dès les premiers jours de l’occupation, les nouvelles autorités rebelles leur avaient ordonné de quitter leurs maisons. Beaucoup sont parties précipitamment, sans rien emporter. D’autres ont dû y retourner sous pression pour récupérer quelques affaires, se retrouvant à la rue. L’accès aux salaires de leurs maris est désormais impossible, les banques étant hors service. Pour certaines, le drame est double : elles sont en deuil, leurs maris soit tués, soit disparus lors des combats.
Au camp Katindo, le M23 aurait sommé les femmes de militaires de démolir elles-mêmes leurs maisons. Un geste symbolique de dépossession, vécu comme une humiliation de plus dans cette guerre sans visage.
« Ils nous ont obligées de démolir nos maisons, ils ont pris avec eux nos maris, jusqu’au aujourd’hui nous ne savons pas s’ils ont été tués ou enrôlés dans la rébellion. Nous vivons une situation très difficile, nous sommes devenus des mendiants pour survivre », a expliqué Christine Zawadi, une autre femme de militaire vivant dans la précarité à Goma.
L’activiste Crispine Ngena, qui suit leur situation de près, alerte sur une urgence ignorée.
« Elles ont besoin de nourriture, de kits de dignité, mais aussi d’un accompagnement pour reconstruire leur vie. »
Au moins quinze familles vivent entassées dans des églises, souvent sans pouvoir y passer la nuit. Beaucoup voudraient retourner dans leurs provinces d’origine, mais aucun plan d’évacuation n’existe.
Goma, capitale économique de l’Est, n’est plus que l’ombre d’elle-même. Sous occupation du M23/AFC, les violences, les pillages et la peur ont remplacé la vie. Pourtant, alors que les regards du monde se fixent sur les enjeux militaires, le quotidien de milliers de civils, en particulier ces femmes de militaires, sombre dans l’oubli.
Yvette Ditshima