L’audience du jeudi 23 avril dans l’affaire Bukanga-Lonzo devant la Cour constitutionnelle, s’est soldée par un réquisitoire du ministère public, à l’absence des prévenus. Présents à la dernière audience, Matata Ponyo et Christo Gobler avaient contesté la forme de la procédure, sans succès.
Deo Mutombo, l’autre co-accusé dans cette affaire, était absent. Selon ses proches, l’ancien gouverneur de la Banque centrale du Congo séjourne actuellement à l’étranger pour « raison de maladie ». Deo Mutombo s’est retrouvé sur le banc des accusés dans cette affaire pour son prétendu rôle dans le détournement des fonds destinés à la gestion du parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, alors qu’il ne figurait pas sur la liste initiale des prévenus.
Dans son entourage, l’on continue de clamer son innocence, expliquant que « la BCC, en tant qu’exécutant, avait correctement fait son travail ». L’intéressé n’a jamais compris comment il s’est retrouvé impliqué dans cette affaire, juste au moment où Patrice Kitebi, ministre délégué aux Finances à l’époque des faits décrié, a été innocenté.
Lors de sa première audition à l’office de l’Avocat général, Mutombo a notamment été prié de justifier les grosses sommes payées à la primature. Ce dernier avait alors expliqué que « la BCC ne paie que suivant les instructions contenues dans les ordres de paiements émis par le seul ministre des Finances ».
Alors que l’Avocat général Kasongo Mpau qui l’interrogeait avait accusé la BCC d’avoir payé certains titres de paiement à la Primature au lieu de la société Africom qui gérait le projet Bukangalonzo, le Gouverneur avait exigé en vain une seule preuve de ces allégations.
Mais comment le gouverneur de BCC s’est retrouvé mêlé dans cette affaire de détournement de 89 millions de dollars ? « C’est un acharnement », dénonce Deogratias Mutombo qui explique ne pas connaître personnellement Christo Gobler.
« La première fois que je l’ai vu c’est à la Cour Constitutionnelle. Et l’ancien Premier Ministre Matata, les gens savent comment ont été nos relations pendant que j’étais gouverneur », poursuit-il.
« Procédure respectée »
Deo Mutombo dit cependant continuer d’avoir foi en la justice même s’il craint pour sa vie. Interrogé, un expert des finances publiques a expliqué les quatre phases de la chaîne de la dépense, révélant que la BCC ne se trouve qu’à la 4ème phase qui est le paiement. Cette étape intervient après l’engagement de la dépense, la liquidation et l’ordonnancement.
En clair, la BCC n’est pas en relation, encore moins en coopération directe, ni avec la Primature ni avec le ministère du Budget. « Les paiements réguliers par ordre de paiement sont consécutifs au passage de la dépense par ces 3 premières phases », explique cet expert.
Pour le cas de Bukanga-Lonzo, l’engagement de la dépense se passait directement à la primature. Ces engagements étaient ensuite transmis au ministère du Budget pour liquidation, ensuite, après transmission par le ministère du Budget, au ministère des finances qui se charge de tous les ordonnancements du gouvernement.
En cas des dépenses en urgence, poursuit l’expert, la phase de la liquidation est bien passée. « Pour le cas de Bukanga-Lonzo, la Primature a directement engagé ces dépenses en les transmettant directement au ministère des finances, qui les ordonnance à la BCC pour paiement », éclaire ce spécialiste du circuit des finances publiques.
Autre élément qui joue en faveur de Deo Mutombo dans cette affaire, le principe du paiement sécurisé avec « Swift ». Des experts assurent qu’il est possible de retracer les paiements de la BCC en faveur d’Africom commodities, la société en charge de la gestion de Bukanga-Lonzo.
Par ailleurs, dans le PV de l’audition expéditive, qui a duré à peine 25 minutes, le montant de USD 89 millions n’avait jamais été évoqué. Deo Mutombo a avoué avoir été « surpris de l’apprendre sur les réseaux sociaux ».
L’ancien gouverneur de la BCC dit sentir « le parfum d’une persécution sans raison », peut-être, estime-t-il, par une haine incompréhensible. « Je suis payé en monnaie de singe après avoir rendu service à la nation », regrette-t-il. En effet, sous son mandat, il dit avoir fait entrer la BCC dans une ère de modernité, mettant en place notamment le marché intérieur des valeurs du Trésor en RDC. Cette « œuvre personnelle » de Deogratias Mutombo, conçu par lui-même, a été lancé en février 2019. « Ce marché permet aujourd’hui au Trésor d’emprunter aux banques commerciales pour couvrir sainement son déficit budgétaire », argumente un agent de la BCC. Le livre blanc que cette éminence grise a publié à la même date est intensément utilisé dans les milieux universitaires et d’affaires pour des publications scientifiques. Le Gouverneur Deogratias, qui visait la consolidation du système financier congolais à travers son approfondissement : émission des titres à moyen et termes, mise en place de la bourse des valeurs en RDC, son projet salutaire s’est tout simplement arrêté avec son départ. Quel gâchis pour la RDC.
Bwiti Ngoy, Expert en Économie