Si les pluies meurtrières de début avril à Kinshasa ont fait autant de victimes, c’est en grande partie parce que une bonne partie du lit majeur de la rivière a été ravi par l’humain.
La scène est chaotique à notre passage ce 10 avril au quartier Ndanu, dans la commune de Limete, quatre jours après le passage des eaux débordantes de la rivière N’djili, un des affluents du fleuve Congo. Le 5 et 6 avril, les habitants de tous les quartiers des communes de Mont-Ngafula, N’djili, Matete, Kinseso, Limete et Masina, érigés dans le lit de la rivière N’djili, ont été surpris par une crue spectaculaire et inédite, suite aux pluies qui se sont abattues plus intensément vers le territoire de Kasangulu, au Kongo central.
Le dernier bilan des autorités évoque plus de 70 morts et deux fois plus de blessés.
Le quartier Ndanu est l’un des plus touchés. « C’était la mort », témoigne Anasthasie, qui a dû bénéficier du soutien d’un jeune volontaire pour regagner sa maison, flottant sur plus de deux mètres du niveau de l’eau sous l’eau. « Je venais de Tshangu et j’avais laissé les enfants seuls. Je n’avais d’autre choix que de revenir. Mais ce jour, j’ai failli perdre la vie », explique-t-elle.
Sa maison se trouve à moins de dix mètres de la rivière. A vrai dire, elle occupe le lit de ce cours d’eau, tout comme des milliers autres habitants de ce quartier.
Selon Guy Loando, ministre de l’Aménagement du territoire, sur les 64 mètres de largeur lui sont dédiés, la rivière N’djili n’en compte plus désormais que 24. Donc, deux tiers de son territoire sont envahis par des constructions anarchiques.
Dans la rive droite de la rivière, en face de Ndanu, il y a le quartier « Valée », à Masina Petro Congo, derrière le célèbre abattoir. L’espace où des maisons sont construites servaient, il y à quelques années, aux activités de riziculture.
Rebecca est l’une des habitants. Elle pense qu’à la place de les déguerpir, les autorités feraient œuvre utile à construire des digues tout autour de la rivière.
Patrick, quant à lui, a laissé sa famille au stade Tata Raphaël où sont logés d’autres sinistrés. Téméraire, il est de retour pour réparer sa maison, fracassée par la puissance des eaux.
« Là où je suis, il y avait un grand collecteur d’eau qui n’existe plus et c’est ce qui est à la base des inondations. Auparavant, l’eau ne faisait qu’un seul jour pour sécher mais aujourd’hui depuis ces inondations, l’eau est toujours présente ».
A Matete, et l’église Shekina et un quartier derrière violent, eux aussi, le territoire de la rivière et n’ont pas échappé au drame.
Même scénario au quartier Dingi-Dingi dans la commune de Kisenso, où des maisons ont été abandonnées.
« Ça fait six mois qu’on loue dans ce quartier. Et les anciens du quartier disent que c’est la première fois que de vivre une telle ampleur de la crue de la rivière N’djili », témoigne Esther.
La rivière N’djili n’est pas la seule à être envahir par des constructions. Plus de 60% des lits des rivières à Kinshasa sont spoliées. Même le fleuve Congo n’est pas épargné.
Dieumerci Diaka