Quelques heures après la signature de l’accord de paix entre la RDC et le Rwanda sous médiation des États-Unis d’Amérique, Denis Mukwege a haussé le ton pour proférer des critiques acerbes contre le document. Déjà sceptique lors des négociations, le prix Nobel a regretté de voir ses « craintes » se confirmer.
Premier élément qui fâche le célèbre médecin, la non reconnaissance du Rwanda comme « État agresseur ». Mukwege voit également dans le texte « diverses dispositions qui montrent que les graines de la prolongation du conflit sont déjà plantées ». Parmi ces dispositions figurent notamment la non-obligation du retrait immédiat de l’armée rwandaise du territoire congolais pourtant repris clairement dans la résolution 2773 du Conseil de Sécurité des Nations Unies adoptée le 21 février 2025.
Désormais, ce retrait est corolaire à la neutralisation des FDLR. Pour traquer ces « forces génocidaires », Kinshasa et Kigali devraient même mettre en place un mécanisme conjoint de sécurité autorisant l’armée rwandaise « à opérer sur le sol congolais ». « L’agresseur non sanctionné pourra donc poursuivre ses opérations dans le Nord et Sud-Kivu, avec l’aval du gouvernement congolais », regrette Mukwege.
Si le Rwanda a obtenu le quitus de traquer les FDLR, la RDC doit de son côté poursuivre les pourparlers avec le M23 à Doha. Le Nobel de la paix craint une « issue incertaine » de la médiation qatarie, rappelant les actions dans l’ombre de Kigali derrière le M23.
Avec ce tableau, Mukwege voit en l’acccord de Washington plus une perte pour Kinshasa qui « a abandonné sa souveraineté aux mains des forces d’agression », tout en légitimant l’occupation et les opérations d’une armée étrangère sur son sol. Il en tient pour autre preuve le volet « intégration économique régionale » de l’accord qui apparait comme « une cogestion des ressources naturelles avec le Rwanda, un État agresseur à la base du pillage systématique des ressources minières depuis 30 ans ».
« Les minerais congolais seront exportés pour ne pas dire ‘bradés’ à l’état brut vers le Rwanda, qui procédera à la transformation et à l’exportation de produits semi-finis ou finis vers le reste du monde », fait remarquer le réparateur de femmes. Pour lui, cette intégration économique promue dans l’accord de Washington est un « blanc-seing de Kinshasa » en faveur de Kigali.
Malgré ces critiques acerbes, Kinshasa a évoqué une « victoire diplomatique historique » après la signature alors que Kigali s’est également réjoui du texte. Après la signature ministérielle, un sommet est prévu fin-juillet entre les deux présidents, toujours à Washington.
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