Dans plusieurs carrefours et points chauds de Kinshasa, il n’est plus rare de croiser des présumés » serviteurs de Dieu « , récoltant des dons en faveur des orphelins ou très souvent en mauvaises conditions sanitaires. Charité ou nouvelle technique d’arnaque? Reportage.
Au croisement des avenues Université et Mombele, à la célèbre Place Kapela, un enfant de moins de cinq ans, intestins à découvert. Une femme, supposée être sa mère, le porte, pendant qu’un homme, micro et baffle, appelle à la charité des passants, au milieu des forêts de jambes et des bouchons des véhicules et motos.
Dans la commune de Limete, au quartier populaire de Kingabwa, un homme d’une cinquantaine d’années fait pareil, à l’arrêt Izam sur la route des Poids lourds. À ses côtés, un garçon de moins de 10 ans, présenté comme orphelin de père et de mère, consomme en toute innocence un jus et un gâteau, pendant que le présumé prédicateur recolte de l’aumône pour lui, toute la journée.
» La main qui donne c’est la main qui reçoit « , » bolamu epolaka te », » nzambe ya ba orphelins amona yo « … La rhétorique, se basant sur des paroles bibliques, est la même partout. Et c’est pratiquement dans tous les grands carrefours de la ville qu’on constate ce phénomène assez nouveau dans son approche.
Charité ou nouvelle technique d’arnaque? » En tout cas, ça devient trop beau pour être vrai « , doute un curieux, qui raconte une mésaventure qu’il dit avoir vécu : » Un jour, vers Kalamu, un monsieur qui avait ses moyens, voyant un enfant en détresse exposé dans la rue, a remis 500 dollars au soi-disant pasteur et à sa mère pour qu’il soit pris en charge. Le lendemain, empruntant la même route, il aperçoit les mêmes personnes au même endroit, sollicitant le soutien pour le même cas, alors qu’ils étaient censés être à l’hôpital. En colère, il menace de les faire arrêter. C’est finalement l’enfant qui avouera que l’argent a été distribué entre sa mère et ces prédicateurs. Et c’est comme ça chaque jour. Donc, l’objectif n’est pas d’aider des personnes en souffrance, mais bien d’arnaquer des paisibles citoyens « .
Chandelle, étudiante, se souvient, elle aussi, d’une autre scène à Bitabe où un monsieur utilisait des enfants à l’insu de leurs parents. » Il les faisait passer pour des orphelins et un jour, la tante d’un des enfants l’a surpris ».
« Je pense que plusieurs personnes commencent à utiliser ces enfants pour se faire de l’argent. « , affirme Valère, fonctionnaire de l’Etat.
Ces « prédicateurs » se présentent souvent comme des gestionnaires des orphelinats. Mais difficile de vérifier l’existence légale de leurs associations.
Parfait Mpaka, juriste, explique que cette démarche va à l’encontre de la loi qui reconnaît des orphelinats comme des institutions de placement social qui ne peuvent fonctionner que grâce à des cotisations sociales de ses membres ou partenaires étatiques ou privés.
« Dans le cas où l’orphelinat n’est plus en mesure fonctionner, celle-ci est dans l’obligation de perdre son statut et de fermer », souligne-t-il.
Japhet Mukoko