Médecins sans frontières (MSF) a alerté, jeudi, sur la persistance des violences sexuelles dans la région de Salamabila, dans la province du Maniema. À l’approche de son départ prévu fin octobre, l’organisation humanitaire appelle à une mobilisation urgente pour assurer la continuité de la prise en charge des survivant·e·s et des actions de sensibilisation.
« Une urgence persistante, un modèle efficace, un appel à la relève », résume Arlette, représentante de MSF, dans le communiqué.
Depuis 2019, MSF a mis en place à Salamabila une approche décentralisée et communautaire pour répondre aux besoins des victimes. Cette stratégie repose sur des agentes de santé reproductive (ASR), des femmes issues de la communauté parfois elles-mêmes survivantes de violences sexuelles formées pour offrir des soins médicaux, un soutien psychosocial rapide, confidentiel et gratuit au sein des villages.
En 2024, trois quarts des cas signalés ont été pris en charge directement par ces ASR, preuve de l’efficacité et de la pertinence de ce modèle.
« Nous considérons que les objectifs du projet sont atteints. En tant qu’organisation d’urgence, nous devons désormais redéployer nos ressources là où les besoins sont les plus criants », explique Idrissa Campaore, responsable des programmes MSF dans le Maniema.
Malgré ces progrès, le départ de MSF inquiète les acteurs locaux. « Ce que je redoute, c’est un retour à la case départ. Sans MSF, il y aura rupture dans la prise en charge médicale et psychosociale », avertit le médecin-chef de zone de Salamabila, Charles Bamavu.
Le sous-financement chronique aggrave la situation : en 2024, le Maniema n’a reçu que 2,5 % des fonds du Fonds humanitaire de la RDC. L’enclavement de la province, accentué par la fermeture de l’aéroport de Bukavu depuis février, complique encore l’accès aux soins.
Au-delà du traitement médical, MSF a cherché à briser les tabous et à réduire la stigmatisation. L’initiative dite de « l’école des maris » a sensibilisé plus de 1 500 hommes avec un message clé : un viol n’est pas une infidélité, mais une violence subie. « Peu à peu, nous avons vu des maris accompagner leurs femmes à la consultation. C’était inimaginable avant », témoigne Elodie Françoise, responsable médicale du projet.
Depuis 2019, MSF a pris en charge 16 445 survivantes de violences sexuelles à Salamabila, un chiffre qui illustre l’ampleur d’une crise trop souvent négligée et oubliée par les instances nationales et internationales.
« Le modèle mis en place à Salamabila est réplicable, efficace et vital. Il ne doit pas disparaître avec le départ de MSF », insiste Idrissa Campaore.
Hugo Matadi