En pleine quête de paix, alors que l’Est du pays brûle sous les bombes et toutes formes d’insécurité, un faux débat fait rage dans l’opinion congolaise : les Églises catholique (CENCO) et protestante (ECC) auraient-elles reçu un soutien financier du Rwanda lors de leur escale diplomatique à Kigali ? Voilà donc ce qui retient l’attention alors que la RDC frôle un point de non-retour.
Au lieu de nous attarder sur la nature logistique – somme toute normale – de leur prise en charge à Kigali, pourquoi ne pas exiger ce que le peuple congolais attend vraiment : un compte rendu clair des discussions menées avec Paul Kagame, Yoweri Museveni, William Ruto, Joao Lourenço, Denis Sassou Nguesso, Félix Tshisekedi, Emmanuel Macron, Antonio Guterres, Corneille Nangaa (AFC/M23), Katumbi, Fayulu et les autres ? Oui, car la CENCO et l’ECC ont le privilège d’avoir vu tout le monde.
Des salons de la présidence congolaise à Kinshasa jusqu’aux couloirs feutrés de l’ONU à New York, en passant par le bureau de Paul Kagame à Kigali, les Églises ont parcouru les QG des puissants comme des acteurs armés. Et s’il y a une structure qui détient aujourd’hui la grille complète de lecture de la crise, c’est bien cette délégation religieuse. Elle a eu les avis et versions de tous.
Dès lors, une question s’impose : pourquoi le tandem CENCO-ECC préfère-t-elle aujourd’hui concentrer ses forces à expliquer une phrase maladroite sur un appui logistique rwandais plutôt que de livrer ce que le pays attend : la vérité des coulisses ? Ce que Kagame a dit. Ce que Museveni pense. Ce que Macron propose. Ce que les rebelles de l’AFC/M23 ont exigé. Ce que Ruto imagine comme issue. Voilà ce que les Congolais veulent entendre. Et surtout : quelle est la lecture, à ce stade, des Églises elles-mêmes ?
Car, rappelons-le, la CENCO et l’ECC n’ont pas agi en leur nom propre. Elles ont revendiqué une mission d’intérêt national : un « Pacte Social pour la Paix et le Bien-Vivre Ensemble en RDC et dans les Grands Lacs ». Cette initiative, elles l’ont portée au nom du peuple. C’est donc au peuple qu’elles doivent d’abord des explications, et non aux polémistes de salon, des congolais de plateaux de télévision et des réseaux sociaux ou aux patriotes de façade.
L’heure n’est pas à la justification d’une hospitalité d’État – que ce soit au Rwanda, au Kenya ou à Washington. L’heure est à la redevabilité. Car pendant que le débat s’enlise dans la forme, le fond s’échappe : la guerre continue, les morts s’accumulent, et les armes ne se taisent toujours pas. CENCO, ECC : vous avez parlé à tous. Il est temps de nous parler aussi de ce que vous vous êtes dit.
Bahati Kasindi