Alors que la République démocratique du Congo s’engage dans un partenariat stratégique avec les États-Unis autour de l’exploitation des minerais critiques notamment le cobalt, le lithium, mais aussi les « 3T » (étain, tungstène et tantale) l’Observatoire de la Dépense Publique ODEP dénonce la gouvernance actuelle du processus, qu’elle qualifie d’une « entorse » aux principes de bonne gouvernance administrative.
Dans une déclaration rendue publique ce mardi, l’ODEP salue les efforts diplomatiques du chef de l’État, notamment à travers l’action de la ministre des Affaires étrangères dans les discussions en cours avec Washington. Cependant, l’organisation exprime des inquiétudes quant à la mise en place d’une cellule de suivi logée directement à la Présidence de la République. Cette structure, selon elle, écarte la Primature et les ministères clés, tels que les Mines, le Plan, les Finances, l’Économie, l’Industrie ou encore le Portefeuille, alors qu’ils sont directement concernés par ce partenariat d’envergure.
L’ODEP rappelle que selon l’article 91 de la Constitution, c’est au gouvernement, dirigé par le Premier ministre, qu’il revient de déterminer, en concertation avec le président de la République, la politique de la Nation et d’en assumer la responsabilité. En logeant ce projet stratégique à la Présidence, le pouvoir en place contourne cette exigence constitutionnelle et installe une gouvernance parallèle dont la légitimité est contestée.
Outre la question institutionnelle, l’organisation critique la composition de cette cellule, qualifiée de « opaque et partisane ». Elle dénonce un climat marqué par le « favoritisme », le cumul de fonctions et l’absence de procédure compétitive dans les nominations. Pire encore, la supervision de la cellule par le directeur de cabinet du président de la République, plaçant ce dernier au-dessus de la ministre d’État aux Affaires étrangères, est perçue comme une « grave confusion des rôles et un précédent administratif préoccupant »
« Cette hiérarchisation inversée,
contraire à l’éthique institutionnelle, sape les principes de responsabilité
ministérielle et brouille l’architecture de la chaîne de commandement », indique l’ODEP, qui redoute une répétition du scandale de la convention SICOMINES signée avec la Chine. L’organisation rappelle qu’en 18 ans, la partie chinoise aurait empoché plus de 17 milliards de dollars, tandis que la RDC n’en aurait tiré qu’à peine 350 millions.
Pour éviter de reproduire les erreurs du passé, l’ODEP recommande que la cellule de suivi soit rattachée à la Primature, afin d’assurer un ancrage institutionnel conforme à la loi. Elle propose également une recomposition de l’équipe de coordination, qui devrait se faire à travers un appel public à candidatures pour sélectionner des experts chevronnés issus des ministères techniques, du monde académique et du secteur minier. Elle suggère aussi la publication d’un document de cadrage officiel définissant les objectifs du partenariat, ses mécanismes de suivi, ainsi que ses modalités de transparence. L’implication formelle de la société civile indépendante et des organes de contrôle est, selon elle, indispensable.
L’ODEP relance son appel en faveur de l’organisation d’un Dialogue National Citoyen, véritable forum de refondation, réunissant citoyens, experts, confessions religieuses, autorités traditionnelles, élus et acteurs économiques, pour élaborer un pacte républicain autour de la gouvernance des ressources naturelles. À ses yeux, ce sursaut collectif est indispensable pour sortir la RDC de la dépendance externe et asseoir une souveraineté économique réelle.
Yvette Ditshima