Situation du pays, enseignants, officiers de l’armée, magistrats… Felix-Antoine Tshisekedi a redistribué des cartes cette année qui s’achève dans des déclarations parfois inattendues. Retour sur les cinq déclarations du chef de l’État congolais qui ont fait grand bruit en 2022.
1. Une université de classe mondiale à Mbandaka
La plus fraîche fracassante déclaration de Felix-Antoine Tshisekedi remonte à seulement une semaine. Le 21 décembre dernier devant les populations de Mbandaka, il a promis de construire pour bientôt une université qui n’aura rien à envier à celles des pays développés.
« Nous allons construire une université ici à Mbandaka. Si Dieu aide vous verrez, à mon retour ici, comment cela sera construit. Ce sera une université aux standards modernes. Vous n’allez plus envier ceux qui sont dans les pays développés. Ces universités que voyez en Europe seront construites ici. Je vous donne ma parole. En 2023, vous verrez le début des travaux », a-t-il déclaré.
De quoi donner de la matière à ses détracteurs experts dans l’art de la dérision qui ont vite fait d’inonder les réseaux des images de la célèbre université américaine d’Harvard ou encore des flacons estampillés «Promecyline» ou encore « Promethazine » comme pour évoquer une nouvelle dose de « promesse sans lendemain » que le numéro 1 du pays ferait avaler aux habitants de Mbandaka.
2. « Mboka esi ekufa kala »
Comme en 2021, le président Tshisekedi prévoit de passer les festivités de fin d’année dans la région kasaïenne. Le 5 janvier 2022 devant les habitants de Lodja, à Sankuru, dernière étape de sa visite des régions de l’espace Grand Kasaï, Félix-Antoine Tshisekedi avait lâché, en Lingala, une déclaration devenue célèbre :
« To ye mpo na ko salela Congo pe ba Congolais. To ye mpo na koyiba mbok’oyo te, ko boma yango te. D’ailleurs, eloko yako boma eza lisusu te mpo mboka esi ekufa kala. To ye nde kotombola yango. Kozongisa yango na esika esengeli ezala.» Traduction : « Nous sommes venus servir le Congo et les Congolais et non pour piller et nous servir. D’ailleurs, il n’y a plus rien à en tirer d’un pays totalement détruit depuis plusieurs longtemps. On est là pour le relever et le remettre à la place qu’il mérite. »
3. « Nos enseignants n’ont pas le niveau »
S’il y a un fait positif marquant du premier quinquennat de Felix-Antoine Tshisekedi à la tête du pays, c’est incontestablement la mise en œuvre de la gratuité de l’enseignement primaire. Si l’homme a investi dans ce projet ambitieux qui permet d’insérer plus de 2 millions d’enfants supplémentaires dans le circuit scolaire chaque année, il semble ne pas être convaincu du niveau des enseignants. En témoigne sa déclaration à Abidjan devant la diaspora congolaise en mai 2022, en marge des travaux de la COP15.
« Ce que nous avons fait est encore minime. Parce que même le niveau de notre enseignement est encore très bas. Les enseignants eux-mêmes n’ont pas de niveau. Ils n’ont pas la matière. Il y a beaucoup de choses qui se sont ajoutées comme le réchauffement climatique, est-ce que nous apprenons cela à nos enfants ? Est-ce que nous leur préparons aux défis du réchauffement climatique ? Est-ce que nous leur apprenons les comportements à adopter dans la société comme le tri de déchets ? »
4. « Maloko », « opposition ya pete »
C’est quoi le pluriel de « Boloko » (prison) en Lingala ? « Maloko», selon le président Tshisekedi, qui a employé ce terme en août dernier à N’Djamena, capitale tchadienne, devant la communauté congolaise, pour désigner le sort qui serait réservé à tous les opposants qui véhiculeraient des mensonges sur son autorité.
« S’il faut remplir les prisons avec des diffamateurs, on le fera. Tu veux faire la politique sache comment le faire. Critiquez le régime, je n’ai aucun problème… Dites ce que vous voulez mais ne mentez pas. Si vous voulez mentir pour faire croire à tous que le président est voleur, ceci est grave et il faut pouvoir le prouver devant les juges », prévenait le président Tshisekedi quelques jours seulement après l’arrestation de Jean-Marc Kabund, son ancien bras droit passé à l’opposition.
Fin juillet, l’ancien président intérimaire de l’UDPS avait qualifié de « jouisseurs », lors de sa première sortie médiatique depuis son départ de l’Union sacrée, les membres de l’entourage du chef de l’État, faisant allusion à la sortie d’importantes sommes d’argent du pays dans des jets privés.
Pour Tshisekedi, l’opposition actuelle est très faible (« opposition ya pete») comparée à celle qu’a exercé l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), son parti.
5. « Théâtralisation de la justice »
Instaurer l’État de droit est la promesse phare du mandat de Felix-Antoine Tshisekedi, convaincu que seule la justice élève une nation. Sauf que le Magistrat suprême n’est pas du tout content du comportement des acteurs judiciaires et n’a pas hésité à le faire savoir lors du Conseil des ministres du 7 octobre 2022 :
« Il revient de constater que loin de se relever de ses faiblesses, pour l’instant notre justice va encore mal, s’invitant sur le banc des accusés à la grande incompréhension et désolation de notre peuple. Chaque jour, dans tous les coins du pays, le peuple assiste abasourdi scandaleusement à des actes ou des comportements de certains acteurs judiciaires ainsi qu’à des actions ou décisions judiciaires à la limite du hasard et de la théâtralisation de celles-ci, creusant davantage la méfiance le plus légendaire entre le peuple et la justice. »
Outre les acteurs de la justice, Félix-Antoine Tshisekedi a aussi critiqué des officiers de l’armée en mai 2022, lorsqu’il ouvre un séminaire sur « l’éthique et la déontologie militaire » à Kinshasa. Cinq jours avant, au moins cinquante civils sont massacrés dans le territoire de Djugu en Ituri, par des présumés Codeco. De quoi mettre le Commandant suprême dans tous ses états, devant des dizaines d’officiers de l’armée et de la police.
« Soit notre armée est incapable, ou alors ces bandits de Codeco, un conglomérat de malfaiteurs, bénéficient de complicités au sein de nos forces armées. Ce n’est pas acceptable. Nous devons rechercher ceux qui sont responsables de ces malheurs. J’en ai assez qu’il ne se passe pas un jour sans que nous comptions des victimes. On ne peut pas continuer de compter les morts. »
Une sélection de Socrate Nsimba