Joseph Kabila, alors Président de la République, aurait-il échappé à une tentative de coup de force en 2018 ? La « rumeur » avait fait son chemin dans certains milieux « fermés ». Puis, plus rien. Mais, un constat de réajustement du paradigme de la coopération internationale de la RDC : une mission officielle à impact visible, à Kinshasa, du vice-Ministre russe des Affaires étrangères.
Les deux Etats ont sorti de leurs tiroirs l’accord de coopération militaire et technique conclu, en 1999, sous Laurent-Désiré Kabila.
Les deux chambres du Parlement congolais ont aussitôt, en mode d’urgence, examiné et adopté le projet de loi de ratification. Une précipitation qui a suscité des questionnements sur les non-dits de la contrepartie de cette coopération militaire et technique qui prévoit la livraison, par la Russie, d’armements, de matériels de guerre « et autres équipements spécifiques », des « missions de conseils », ou encore la formation de spécialistes militaires dans les écoles russes. Objectif officiel : permettre à la RDC d’éradiquer les groupes armés locaux et étrangers actifs dans l’Est du pays. Quatre ans plus tard, la situation sécuritaire demeure on ne peut plus préoccupante. Est-ce parce que cet accord n’aurait pas encore été pleinement mis en uvre ?
La RDC dans ses rapports avec les USA
1999. Le père voit son pouvoir ébranler par des rébellions parrainées par ses mentors d’autrefois. La très influente Madeleine Albright, jadis secrétaire d’État des USA, astreinte à se languir dans la salle d’attente du bureau du Chef de l’État congolais, raconte-t-on, n’a pas pu, malgré ses qualités de fine diplomate, dissimuler son aversion contre le tombeur de Mobutu, résolu à cet effet de se tourner vers Moscou pour sécuriser son pouvoir, disons ce qui en restait. La suite, tout le monde le sait. Dans une histoire quasi romanesque, le pire arrive. Le fils lui succède non sans le soutien explicite des USA, de la France et de la Belgique où il s’est vite rendu peu après sa prestation de serment.
2018. Dix-neuf ans plus tard. La RDC subit la pression des capitales occidentales. En effet, après avoir dépassé de deux ans le timing constitutionnel de la tenue de la présidentielle, le fils, qui a revu à la hausse la dose de la coopération économique avec la Chine, lui ayant valu la fureur de ses partenaires occidentaux, aurait été sérieusement mis en garde par l’Américaine Nikki Haley.
Face à la pression américaine, la Russie est alors de nouveau courtisée pour ses offres sécuritaires. En vertu de la continuité de l’État, Kinshasa est mis à la raison tandis que Kremlin lorgne des opportunités de retourner de plain-pied au cur du continent africain.
2019. Évitant de verser dans la polémique sur la « vérité des urnes » en RDC, les USA proposent au successeur de Joseph Kabila un partenariat stratégique, pour affaiblir politiquement ce dernier en contrepartie de leur « soutien ».
Début avril 2019, le cinquième Président congolais promet, à Washington, devant les caméras du monde, de « déboulonner le système dictatorial de Kabila ». Résultat atteint, avec l’accompagnement des USA, au sein des institutions nationales. Mais, côté sécuritaire, notamment, le problème empire. Entre-temps, Washington tergiverse.
2022. En visite officielle à Kinshasa en août, Anthony Blinken, secrétaire d’État américain, n’apporte pas le soutien tant espéré par Kinshasa. Peu après, c’est la déclaration d’amour du Ministre RD congolais de la Défense à la Russie. Au-delà des susceptibilités de ce portefeuille dit de souveraineté – que dirige cet officier militaire aux aptitudes intellectuelles avérées une thèse de doctorat serait en cours d’élaboration par ses soins à la faculté de Médecine de l’Université de Kinshasa -, sa « proximité familiale » avec le Chef de l’État suggère de cerner les assurances de Kabanda Rukemba Gilbert à la dixième Conférence sur la sécurité internationale tenue du 15 au 18 août à Moscou. « L’objectif immédiat du ministère de la défense de mon pays est de mobiliser et d’obtenir les moyens nécessaires à fournir aux forces armées de la République en faveur des opérations contre les groupes armés au Nord-Kivu, Sud-Kivu ainsi que de l’Ituri. L’appui multiforme de la Russie et de l’ensemble des pays participants à cette conférence est vivement souhaité », a-t-il indiqué.
Situation cornélienne
Quand bien même Washington aurait reconnu les ADF comme un mouvement affilié à Daech, il n’a pas encore offert à Kinshasa un appui conséquent dans la lutte contre ce mouvement qui continue de faire parler de lui en dépit des opérations conjointes des armées congolaises et ougandaises pour l’éradiquer.
Inutile d’évoquer le M23 sur lequel les USA entretiennent une ambiguïté qui frise un refus de soutien à la diplomatie congolaise.
La RDC, qui vient de prendre la tête de la SADC, devrait, en outre, se voir astreinte à prendre des positions « gênantes » pour les USA. En effet, « Le Sommet a exprimé son mécontentement concernant le fait que le continent soit la cible de mesures unilatérales et punitives en vertu de la Loi sur la lutte contre les activités malveillantes de la Russie en Afrique, récemment adoptée par la Chambre des représentants des États-Unis et a réaffirmé sa position de principe de non-alignement à tout conflit extérieur au continent. À cet égard, le Sommet a mandaté le Président de la SADC de notifier au Président et au Congrès des États-Unis la forte opposition de la SADC à cette loi et a exigé que cette question soit inscrite à l’ordre du jour de l’Union africain » (Point 19 du Communiqué final du 42ème sommet de la SADC).
L’addition des obligations de réussite de la politique nationale et des contraintes de cohérence de la gouvernance au sein de la SADC imposent à Kinshasa de faire davantage montre de rigueur dans l’analyse des faits en vue des choix dictés par la realpolitique.
Dans un contexte aussi critique que celui de la guerre en Ukraine, il pourrait s’agir, pour Kinshasa, d’accepter les ambivalences et incertitudes des USA exposant à des risques énormes pour le Président de la République d’ores et déjà déclaré candidat à sa propre succession ou de s’ouvrir à la Russie dans un pragmatisme axé sur la lutte contre l’insécurité dans l’Est du pays, le « centre » du jeu électoral, eu égard au nombre si élevé d’enrôlés aux élections de 2006, 2011 et 2018. Ce, considérant surtout qu’en 2021, selon des sources assez introduites, Moscou aurait vendu des armes à la RDC sans se plier au régime de notification préalable instauré par le Conseil de sécurité des Nations Unies et auquel s’oppose, sans effet, Kinshasa.
La Russie continue d’inscrire son appui militaire à la RDC dans le cadre de l’accord non revu de coopération militaire et technique négocié, signé et ratifié, à la hâte, sous les Kabila dont l’avènement au pouvoir et la fin de règne n’auraient pas échappé aux USA, le premier Etat à avoir reconnu la souveraineté de Léopold II dans ses aventures dans ce qui est devenu le territoire de la RDC.
Lembisa Tini (PhD)