Dans son discours du lundi 27 février dernier devant le Conseil des Droits de l’Homme à Génève, le Président du Congo démocratique, Félix Tshisekedi a, entre autres déclaré : « Le Gouvernement de la RDC vient de saisir le HCR pour lui demander de prendre toutes les initiatives requises en vue de la tenue dans les plus brefs délais des discussions tripartites RDC-Rwanda-HCR pour le rapatriement de leurs réfugiés respectifs dans leurs pays ».
Est-ce sous pression psychologique de vouloir à tout prix charmer puis persuader son auditoire de Génève ou par intime conviction que le Président de la RDC a résolu de mettre sur le tapis l’hypersensible question du retour des réfugiés? En effet, c’est depuis juillet 2022 que le chef de l’Etat congolais avait souscrit, autant que son homologue rwandais dans la capitale angolaise, à l’engagement d’assurer le retour des réfugiés.
L’amorce du processus de résolution de ce problème que le Mouvement du 23 mars inscrit parmi ses revendications, permet de se pencher sur une cause profonde de la conflictualité dans la partie orientale du pays.
L’enjeu n’est pas seulement de parvenir au retour de plusieurs dizaines de milliers des réfugiés congolais vivant au Rwanda. Mais surtout de prévenir les incidences fâcheuses de ce retour des réfugiés sur l’insécurité dans l’Est, et de réussir à extirper au régime de Kigali un “prétexte” savamment exploité de son ingérence voulue et assumée dans les Kivus.
Il est évident que l’examen du retour des réfugiés dépasse très largement la portée humanitaire de la question requérant l’intervention du HCR. Ceci en impose une préparation méticuleuse pour prévoir au mieux des imprévus, et éviter des solutions apparemment bénéfiques dans le court terme mais aux effets boomerangs par la suite. Nul n’ignore cette mauvaiseté des négociateurs congolais : l’hyperattention aux frais de mission avant la création technique des conditions d’une meilleure réalisation de l’ouvrage, de faibles interactions des parties inter-services devant produire un langage commun ainsi que le faible suivi (sanction) des résultats du travaiil abattu par les mandatés.
Dans un contexte pré-électoral, le retour des réfugiés pourrait avoir une conséquence sur la démographie électorale surtout dans les Rutshuru, Nyiragongo et Masisi occupés partiellement par le M23. L’enjeu politique en perspective des échéances électorales de décembre et les prévisions du retrait du M23 des positions sous son occupation confèrent une importance cruciale aux discussions en vue entre Kinshasa et Kigalii sur le rettour des réfugiés.
Ne pas perdre de vue : la tentation qui hante les porteurs du discours sur la Congolité. Quoique compréhensible dans une certaine mesure, ce discours est peu cohérent et contre productif. En vertu de quoi certains Congolais remettraient-ils en cause la nationalité congolaise revendiquée par des réfugiés qui auront exprimé leur attachement à la RDC alors qu’il est un secret de polichinelle que des binationaux, en rupture d’avec la Constitution congolaise, seraient nombreux au pouvoir à Kinshasa ? Il est donc utile de faire assez tourner les méninges pour produire une intelligence persuasive sur cette délicate question que d’aucuns versent dans la farde de l’exclusion sociale.
La corrélatiion du retour des réfugiés et l’enjeu foncier suggère des consultations des communautés locales pour faire participer ces dernières à la recherche des solutions aux causes profondes de l’insécurité dans l’Est. Une solution négociée au sommet sans garantie de l’adhésion des communautés locales, auxquelles s’identifient beaucoup de groupes armés, risque de compromettre la durabilité des effets positifs du compromis à trouver avec Kigali sur le retour des réfugiés.
Par ailleurs, dans un contexte de piétinéments de l’état de siège, il serait imprudent de ne pas mettre en lien les effets de cette dernière mesure exceptionalle en vigueur notamment dans le Nord-Kivu et le retour, dans cette dernière province, des réfugiés. Une évaluaton de l’état de siège s’avère utille ne serait-ce que pour savoir comment créer les conditions matérielles et sécuritaires du retour des réfugiés, une condition que le droit international humanitaire impose à leurs pays d’origine.
Somme toute, les négociations sur cette épineuse question seront non sans effets sur la vitalité du système d’insécurité vieux d’environ trois décennies dans l’Est de la RDC. Elles requièrent des autorités congolaises de redoubler de vigilance et de stimuler l’approfondissement d’une réflexion stratégique au niveau collectif pour se préparer à bien voir les trappes pour les éviter.
Comme disait l’autre, « ne pas planifier sa réussite, c’est planifier son échec». L’Histoire pourrait refuser le bénéfice de l’indulgence à la distraction de Kinshasa. Voir plus loin …
Lembisa Tini (PhD)