L’ancien ministre de la Santé mène la fronde contre le secrétaire général du parti présidentiel qu’il accuse de mégestion et appelle à la convocation d’un congrès extraordinaire. De son côté, l’incriminé se dit prêt à se battre comme une personne agressée.
Samedi 13 juillet, Eteni Longondo est matinal au marché central de Kinshasa où il a assisté au rassemblement « parlementaires debouts ». Bandes rouges sur la tête, ces combattants de l’UDPS surchauffés ne demandent qu’une chose : le départ d’Augustin Kabuya à la tête du parti.
Tout est parti d’une lettre datée du 22 juin qu’il a adressée à Augustin Kabuya, laquelle porte sur la « nécessité d’une réorganisation » du parti présidentiel. L’ancien ministre de la Santé et ancien secrétaire général adjoint du parti avait tenté en vain de lui remettre cette missive en mains propres.
« C’est une démarche que je voulais entreprendre depuis l’année dernière. Le président était au courant. Mais je l’avais temporisé car nous étions en une année électorale. J’ai remarqué que le parti était mal organisé. Je ne pouvais pas voir la situation empirer », indique-t-il à Jeune Afrique.
Il reproche à Augustin Kabuya notamment une gestion personnalisée du parti, le clientélisme, des écarts de langage, le manque de collaboration envers les collaborateurs, l’absence d’anticipation et de planification du parti…
De son côté, Augustin Kabuya qualifie Eteni d’« innocent », comme pour dire qu’il est instrumentalisé par certaines personnes dans l’ombre.
« Des ennemis veulent créer du désordre dans la famille politique du chef de l’État pour faciliter l’infiltration. Ils ont pris l’argent d’autrui pour faire basculer sa majorité… Est ce qu’on convoque le congrès pour remplacer un secrétaire général ? », demande-t-il au public réuni au siège du parti.
Augustin Kabuya occupe ce poste de secrétaire général du parti depuis les premières semaines de l’accession de Félix Tshisekedi à la magistrature suprême en 2019. Il était dans un premier temps nommé par Jean-Marc Kabund-a-Kabund, lequel est alors fait président intérimaire par Félix Tshisekedi, alors que les textes du parti prévoient, en l’absence du président du parti, la mise en place d’un directoire composé du secrétaire général, du président de la Convention démocratique du parti (CDP) et du président de la commission électorale du parti.
Le parti va revenir à ce schéma en 2022, après la défenestration de Jean-Marc Kabund-a-Kabund qui tombe en disgrâce et est condamné à sept ans de prison pour « outrage au chef de l’État » et « propagation de faux bruits ».
Bénéficiant de la confiance et de la protection de Félix Tshisekedi, voire de la mère du président, la très influente Marthe Kasalu, Augustin Kabuya sera maintenu secrétaire général.
« Il n’a jamais donné au président de la CDP et de la commission électorale l’occasion de fonctionner normalement. Du coup, le fonctionnement du parti est réduit à des matinées politiques et à des réunions sans substances au cours de laquelle il ne fait que gronder, sinon conspirer contre d’autres cadres du parti, affirme Eteni Longondo. Nous ne voulons plus donner le pouvoir à une seule personne qui se croit comme un demi-dieu ».
Ce dernier peut-il gagner la bataille contre celui qui aime se faire appeler « Muana Bute » (« fils-ainé ») du chef de l’État ? Ce n’est pas la première fois que l’autorité d’Augustin Kabuya est remise en question. Mais à chaque fois, il est sorti tête haute. Comme en novembre 2022 quand Victor Wakuenda, alors président de la CDP, annonce sa destitution pour « incompétence ». L’octogénaire paiera cash sa rébellion : non seulement il sera mis de côté, mais passera même une journée à la prison de Makala. Comme pour asseoire l’autorité de Kabuya, Félix Tshisekedi profite d’une réception avec les cadres du parti le 11 janvier 2023 à la cité de l’Union africaine, pour remonter les bretelles à un certain Gecko Beia qui avait pris parti pour Wakuenda et mobilisé les jeunes et turbulents militants de « Force du progrès», une structure informelle du parti, contre Kabuya.
« Ton chef, c’est Augustin Kabuya. A la moindre récidive, tu m’auras sur ton chemin », le prévient alors Félix Tshisekedi. Une remontrance qui valait avertissement pour tous les autres membres du parti.
En février dernier, le chef de l’Etat le désigne informateur dont le rôle est d’identifier la majorité parlementaire. Ce qui lui donne encore des galons.
Le terrain n’est-il pas trop risqué pour Eteni Longondo ? « Il [Kabuya] fait croire aux gens qu’il bénéficie de la confiance du président. Si tout le monde remarque que le parti n’est pas bien géré, le chef de l’État ne peut qu’enterminer. Kabuya ne sait pas ce que le président pense de cette situation », rétorque -t-il se disant « sûr» de remporter cette bataille.
En tout cas, contrairement à Wakuenda, la démarche d’Eteni Longondo bénéficie d’une forte adhésion des instances du parti. Le 11 juillet, 33 secrétaires nationaux ont, dans un communiqué, déclaré avoir retiré leur confiance à Augustin Kabuya. Le lendemain, c’était le tour du président de la Ligue des jeunes.
« Derrière moi, j’ai la masse du parti. Des gens qui se plaignent depuis longtemps et qui ont trouvé en moi quelqu’un qui vient éventrer le boa », dit-il.
De son côté, Augustin Kabuya a réuni le 12 juillet une poignée des membres de l’exécutif du pays qui lui a renouvelé la confiance. En même temps, il a été invité « à prendre des mesures nécessaires pour constater le départ volontaire d’un groupe de cadres ayant irrégulièrement convoqué une réunion de l’exécutif du parti ».
« Je vais être obligé de me défendre comme quelqu’un qui est agressé», prévient Augustin Kabuya qui invite les autorités République à « suivre de près ce qui se passe au sein de l’UDPS et de tirer toutes les conséquences ».
« Qu’il pleuve ou qu’il neige, ma légitime et ma légalité ne seront jamais retirées par un petit groupe de gens », poursuit-il devant un groupe de partisans le dimanche.
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