Dans la capitale congolaise, certaines femmes et jeunes filles utilisent le terme « Liyanzi » (puce chique, en Lingala) pour laisser entendre la facilité qu’elles auraient pour interrompre volontairement des grossesses selon des méthodes propres à elles. Mais en pareilles circonstances, le danger n’est jamais loin.
Diplômée d’Etat en 2023, Ashley*, 17 ans, avait tout l’avenir devant elle. Mais sa vie bascule en mars 2024 quand elle se retrouve enceinte. Son petit ami, l’auteur de la grossesse, le conseille alors de prendre des médicaments pour interrompre la grossesse. La jeune s’exécute : « Il m’a dit » zemi ya quatre ou cinq semaines eza « Liyanzi ». Je devais alors continuer à prendre plusieurs comprimés d’un médicament destiné à soigner les problèmes d’ascaris, jusqu’a ce que cela provoque l’avortement », avoue Ashley dans son lit d’hôpital. Depuis plus d’une semaine, elle a été gardée aux urgences à l’hôpital général de Kinshasa. Ventre gonflé, saignements ininterrompus, sa situation ne s’améliorait pas, jusqu’à ce qu’elle décède.
Loin d’être anodine, le terme « Liyanzi », utilisé généralement dans les milieux des jeunes filles et adolescentes pour banaliser l’interruption de la grossesse révèle l’ampleur de ce problème de santé publique.
En RDC, des avortements à risques sont la deuxième cause de la mortalité maternelle. Le pays est sur la liste noire des cinq pays au monde avec un taux de mortalité maternelle le plus élevé — 846 décès sur 100 000 naissances vivantes, selon l’Etude démographique de la santé (EDS 2013-2014).
La RDC a signé depuis 2008 le Protocole de Maputo qui, dans son article 14, légalise l’avortement en cas de viol, inceste et toutes autres raisons thérapeutiques. Fin 2020, la mise en œuvre de ce texte panafricain a été renforcée par les normes et directives des soins d’avortement centrés sur la femme, pour ainsi encadrer des cas d’avortements volontaires, lesquels doivent se faire dans des formations sanitaires qualifiées et selon le protocole de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Malgré des avancées tant dans le cadre légal que médical réalisées ces dernières années, le chemin reste encore loin. Tant le Protocole de Maputo doit continuer à être vulgarisé et l’accès aux intrants contraceptifs pour les jeunes et adolescents restent un défi.
A Kinshasa, il se produirait chaque jour au moins 400 avortements clandestins, selon une étude de l’Ecole de santé publique réalisée en 2016. C’est dire de l’ampleur des avortements à risques chez les jeunes.
Les initiatives de la société civile devraient se multiplier pour assurer une sensibilisaton permanente et efficace auprès des jeunes, catégorie vulnérable en matière des question de santé sexuelle et reproductive. C’est ainsi que Health Actions International (HAI), une organisation hollandaise, avec notamment la collaboration de Cadre de concertation de la femme congolaise (CAFCO), a initié le projet SHARP (Solution pour soutenir des adolescents en pleine santé et la protection de leurs droits) pour influencer les politiques, les services, à obtenir un engagement multi acteurs.
*Ashley est un nom d’emprunt
Socrate Nsimba