« La solution au conflit dans l’est de la RDC n’est pas militaire ». La phrase revient dans quasiment tous les communiqués qui sanctionnent les sommets régionaux sur la situation sécuritaire dans la partie orientale. C’est aussi la position des pays membres du Conseil de sécurité des Nations-Unies. Depuis la reprise des hostilités au Nord-Kivu entre les rebelles du M23, soutenus par l’armée rwandaise, et les forces loyalistes, appuyés par les résistants Wazalendo, les appels au dialogue fusent de partout. Dialogue avec le Rwanda, mais aussi dialogue avec le M23 qui, malgré les preuves documentées des Nations-Unies sur ses liens avec Kigali, se réclame être un mouvement congolais.
Ces derniers jours, les églises catholique et protestante ont réussi à faire bouger les lignes dans le sens du dialogue. Reçus tour à tour par le président de la République et quelques acteurs de l’opposition à Kinshasa, les « pères spirituels » ont vendu leur idée d’un « Pacte social pour la paix et le bien-vivre ensemble en RDC et dans les Grands lacs ».
« S’il faut qu’on aille à Goma, nous allons y aller. Nous irons parler avec tout le monde. Même s’il habite sur la lune, nous arriverons sur la lune. Nous ne pouvons pas faire l’économie de l’inclusivité si nous voulons que ce dialogue aboutisse à une solution durable », avait alors rassuré Cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa et chef de la délégation ECC-CENCO. Une déclaration qui a été mal digérée auprès de certains fidèles de Félix Tshisekedi.
Depuis le début du conflit, le président congolais s’est montré intransigeant sur son refus de dialoguer avec le M23 qu’il considère comme un pantin à la solde du Rwanda. Avec cette posture, le gouvernement a consacré ses efforts sur des efforts régionaux notamment le processus de Luanda, qui met face à face le Rwanda et la RDC sous médiation de l’Angola, et le processus de Naïrobi, un cadre des négociations entre le gouvernement congolais et les groupes armés opérant dans l’Est du pays.
Pour Kinshasa, le M23 devrait rejoindre les autres groupes armés à Nairobi et non attendre un traitement de faveur.
Ces dernières semaines cependant, les récentes conquêtes du M23 ont fait réfléchir deux fois dans l’entourage de Tshisekedi. Vital Kamerhe, un de ses partenaires de taille, a émis à demi-mot l’idée d’un dialogue avec le M23. « Le président veut dialoguer mais pas pour vendre le pays », avait déclaré le président de l’Assemblée nationale à l’ouverture de la session extraordinaire largement consacrée à la situation dans l’est.
Seulement, Kamerhe, qui avait rencontré le président Tshisekedi quelques heures avant cette déclaration, s’est vite retrouvé dans le viseur de certains membres de l’UDPS, le parti présidentiel, certains allant jusqu’à lui proférer des menaces de mort pour « trahison au chef de l’État ». Dans ce contexte, le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, a affiché l’opposition du régime à toute démarche de dialogue avec Nangaa et sa troupe. « L’urgence pour eux [catholiques et protestants] devrait être de dénoncer le mal qui vient du voisin », a expliqué Muyaya dans un briefing lundi à Kinshasa, précisant que le président n’a donné mandat à personne.
Au lendemain de cette sortie, le Secrétaire général de l’UDPS a, dans un communiqué, rejeté « en bloc toute démarche tendant à organiser des négociations politiques en dehors des processus de Luanda et de
Nairobi ». Pour Augustin Kabuya, la démarche de l’ECC et de la CENCO est une « initiative narquoise », venant des acteurs religieux qui « n’ont jamais caché leur antipathie à l’endroit des Institutions de la République ».
Le chef du parti présidentiel a également accusé les églises catholique et protestante de tenter « d’amener séditieusement à la table de négociation le M23/AFC », crachant ainsi « sur la mémoire de tous ces Congolais victimes de la barbarie de ce mouvement pro-rwandais qualifié de terroriste par les Nations Unies ».
Alors que le dernier sommet conjoint EAC-SADC, tenu samedi dernier à Dar Es Salaam en Tanzanie, a recommandé au gouvernement congolais de promouvoir le dialogue avec tous les groupes armés, y compris le M23, la position de Kinshasa semble être de marbre, refusant d’aller au-delà du processus de Nairobi.
Infos.cd