« Prions pour l’Ukraine martyrisée, pour la Palestine, Israël, le Liban, la Birmanie, le Soudan, le Kivu ». Un détail de ce tweet de Pape François, le 2 mars, interpelle : pourquoi le Souverain pontife n’a pas carrément parlé de la « guerre en RDC » ? Ce n’est pourtant pas toute l’Ukraine qui est touchée par l’assaut russe. La guerre ne frappe pas non plus tous les territoires libanais, soudanais ou encore birmanes.
Inutile d’être sévère avec le chef de l’Eglise catholique si nous-mêmes, dans notre lexique de la guerre, ne sommes pas rigoureux. Les mots ont pourtant leur sens selon le contexte. Quand institutionnels, journalistes et autres apprentis communicateurs de « l’armée numérique » pour la défense de la patrie reprennent en refrain chaque jour « guerre dans l’Est », l’on doit se poser de bonnes questions : est-ce pertinent ? Est-ce fédérateur ? Depuis la chute de Goma puis de Bukavu, il n’est pas rare d’assister, sur les réseaux sociaux, à une certaine chamaillerie entre des Congolais de l’est du pays et ceux de l’Ouest. Quand les premiers estiment que les « fêtards Kinois » ne se soucient guère de leur sort, les seconds condamnent les derniers d’avoir réservé un « accueil chaleureux » aux rebelles. « Insouciance » contre « traîtrise », voilà que des Congolais se déchirent là où ils devaient rester solidaires. En effet, l’on est loin de la solidarité lorsqu’on laisse comprendre, certainement de manière inconsciente, que seule la partie orientale du pays est touchée par la guerre. Et pourtant, ne dit-on pas que lorsqu’un membre est malade, c’est tout le corps qui l’est ?
Avantage : rien n’est tard pour changer le narratif. Ne plus parler de la « guerre dans l’est », mais de la « guerre en RDC ». Infos.cd a pris cet engagement depuis quelques semaines dans ses articles et ne voudrait pas rester seul dans cette dynamique, parmi les médias locaux.
Une autre mauvaise habitude à bannir consiste à établir une distinction entre les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), d’un côté, et de l’autre, les résistants Wazalendos. Le pays n’a pourtant qu’une armée officielle. Et si un groupe de Congolais se constitue en volontaires pour défendre la patrie en danger, la bonne communication serait de les dissoudre dans l’armée loyaliste. Les FARDC ne sont quand-même pas la première armée en temps de guerre à compter sur l’apport des volontaires et ou réservistes. Etablir ce distinguo donne matière à dénigrement à l’armée numérique rwandaise qui ne se gênerait pas de présenter la RDC comme un Etat qui s’appuie sur des forces négatives pour sécuriser son territoire. Si le diable est dans les détails, le front médiatique aussi est fait de détails.
La rédaction