Deux chercheurs de l’École de Santé Publique (ESP), en mission officielle dans la province de la Tshopo, ont été lynchés puis brûlés vifs par une foule en colère dans un village du territoire d’Isangi. Confondus à tort avec des « voleurs de sexe », ils ont succombé à une justice populaire aveugle, malgré leurs efforts pour prouver l’authenticité de leur mission scientifique.
Parmi les victimes figure le docteur Placide Mbungi, chercheur et enseignant respecté. Avec son collègue John Tangakeya, ils faisaient partie d’une équipe de quatre enquêteurs chargés de collecter des données sanitaires dans le cadre d’un projet de recherche. Après avoir passé la nuit à Imbolo, ils ont pris la route de Yamfira, dans la localité d’Ilambi, où leur destin a tragiquement basculé.
Les premiers témoignages décrivent une scène d’une violence inouïe. Pris à partie par des habitants terrorisés par des rumeurs de disparitions d’organes génitaux, les deux chercheurs ont été accusés de sorcellerie. Leurs explications et leurs documents officiels n’y ont rien changé : la foule, persuadée d’avoir affaire à des « voleurs de sexe », les a massacrés avant de brûler leurs corps. Des images insoutenables ont ensuite circulé sur les réseaux sociaux, provoquant une onde de choc à l’échelle nationale.
Deux autres membres de l’équipe, Kevin Ilunga et Mathieu Mosisi, auraient également subi des violences dans une localité voisine, toujours dans un climat de panique et de désinformation.
« Nous étions encore ensemble la veille. Ce matin, ils sont partis vers Ilambi, et moins d’une heure plus tard, nous apprenions qu’ils avaient été lynchés. Nous implorons une évacuation sécurisée », a expliqué l’un des survivants, sous le choc.
Ce drame dépasse le cadre d’un simple fait divers. Il révèle les fractures profondes de la société congolaise : la méfiance envers les institutions, le déficit d’éducation scientifique et la persistance de croyances irrationnelles alimentant les violences populaires. Le mythe des « voleurs de sexe », bien qu’infondé, continue de provoquer des morts.
Sous le choc, la communauté médicale et universitaire réclame des réponses. L’École de Santé Publique a appelé les autorités à diligenter une enquête indépendante et à punir les coupables selon la rigueur de la loi. Elle demande également une meilleure protection du personnel de santé et des chercheurs envoyés sur le terrain, souvent livrés à eux-mêmes dans des zones où la peur et la désinformation font encore la loi.
Giscard Havril Mane