Kinshasa, mégalopole au cœur de l’Afrique, est bien plus qu’une simple capitale. C’est une ville de défis, de résilience, mais aussi et surtout, une ville de souffrances souvent invisibles, où chaque jour est un combat pour la survie. Les Kinois ne vivent plus, ils survivent. Et cette survie, à force d’être quotidienne, est devenue une normalité douloureuse qu’il est urgent de dénoncer.
La galère quotidienne, une réalité brutale
Imaginez un quotidien rythmé par la pénurie. L’eau potable, essentielle à toute vie, est un luxe inaccessible pour de nombreux ménages, contraints de s’approvisionner à des bornes-fontaines distantes ou auprès de vendeurs peu scrupuleux, au risque de leur santé. L’électricité, quant à elle, est un mirage. Les délestages sont la règle, plongeant des quartiers entiers dans l’obscurité et paralysant toute activité économique, même la plus modeste. Comment étudier, travailler, ou simplement se reposer dans de telles conditions ?
La mobilité est un autre calvaire. Les routes, défoncées et encombrées, transforment le moindre déplacement en une épopée. Les transports en commun sont insuffisants, surchargés, et souvent dangereux. Des heures passées dans les embouteillages, exposés à la poussière et à la pollution, pour se rendre au travail ou à l’école, c’est le prix que paie le Kinois pour tenter de joindre les deux bouts.
Le ballet incessant des « wewa » (motos-taxis) et des « kikwata » (motos à trois roues, souvent appelées « kiweseke » ou « tricycles » pour le transport de marchandises ou de personnes) dans un trafic anarchique est le symbole de cette lutte pour se mouvoir dans une ville qui étouffe, accentuant le chaos et l’insécurité routière.
Un environnement dégradé, une santé et des vies menacées
Au-delà des infrastructures défaillantes, l’environnement non propre est une source constante d’angoisse et de maladies. Les déchets s’amoncellent dans les rues, sur les marchés, le long des caniveaux à ciel ouvert, devenus des dépotoirs à ciel ouvert. L’air est souvent vicié, chargé de fumées et d’odeurs pestilentielles, rendant la respiration difficile, surtout en période sèche.
Ces conditions insalubres ont un impact direct et dévastateur sur la santé publique. Les maladies hydriques comme le choléra et la typhoïde sont monnaie courante, touchant de plein fouet les enfants et les populations les plus vulnérables. Les vecteurs de maladies prospèrent dans ces environnements sales, augmentant les risques de paludisme et d’autres infections.
Et lorsque le ciel se déchaîne, la réalité est encore plus cruelle : les inondations récurrentes transforment les quartiers bas en véritables bassins, emportant maisons, biens et parfois des vies. L’absence de systèmes de drainage adéquats, l’urbanisation anarchique et la gestion chaotique des déchets transforment chaque pluie en un drame, rappelant cruellement la vulnérabilité des habitants face à la négligence structurelle.
Une économie de la débrouille, sous l’ombre de l’insécurité
Face à un chômage endémique, l’ingéniosité des Kinois est mise à rude épreuve. Le secteur informel, bien que vital, est une jungle où la survie est précaire. Vendeurs à la sauvette, petits métiers improvisés, tout est bon pour ramener de quoi nourrir la famille. Cette « débrouille » est loin d’être un choix : c’est une contrainte, une réponse désespérée à l’absence de perspectives d’emploi dignes et structurées. La précarité est la norme, et la dignité, parfois, une variable d’ajustement.
Cependant, cette lutte quotidienne pour la survie est compliquée par une insécurité grandissante, dont les visages sont multiples. Le phénomène des « Kuluna », ces gangs de jeunes délinquants armés de machettes et d’armes blanches, terrorise des quartiers entiers, s’adonnant à des agressions, des vols et des violences inouïes, surtout la nuit.
Parallèlement, des groupes comme la « Force du Progrès », une structure informelle de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) perçue comme une milice, sème désormais la terreur dans plusieurs quartiers. Sous couvert d’ordre, ces groupes sont accusés de violences, d’exactions et d’intimidation, ajoutant une couche d’angoisse à un quotidien déjà lourd.
La population se retrouve prise en étau, entre la précarité économique et la peur constante des agressions, qu’elles proviennent des inciviques ou de ceux censés maintenir l’ordre.
Les prix des denrées de première nécessité grimpent en flèche, rendant l’alimentation de base inaccessible pour une grande partie de la population. Acheter un sac de riz, un bidon d’huile, ou quelques légumes devient un véritable défi, contraignant les familles à réduire drastiquement leurs repas, au détriment de la santé et du développement des enfants.
La faim n’est pas un concept lointain à Kinshasa ; elle est une réalité tangible qui ronge les ventres et les espoirs.
Rewil BOLIO (Journaliste et Analyste socio-politique)


![Kinshasa, une ville de survivants : le cri silencieux d’une population à bout (1/2) [Tribune de Rewil BOLIO]](https://infos.cd/wp-content/uploads/2025/12/kinshasa-population-1024x512.jpg)



