Le Collectif national le Congo n’est pas à vendre (CNPAV) dénonce le dernier avenant du contrat Sicomines, signé il y a une année entre le gouvernement et le groupement d’entreprises chinoises exploitant les ressources minières congolaises. Présenté comme une renégociation en faveur de la RDC, cet avenant maintient un cadre déséquilibré, perpétuant des exonérations fiscales coûteuses et limitant les bénéfices pour le développement du pays, selon le CNPAV.
« Loin de corriger les injustices du contrat initial, l’avenant 5 ancre davantage la RDC dans un système inégalitaire et préjudiciable », alerte le CNPAV dans son analyse publiée ce jeudi et consultée par Infos.cd.
En 2023, la RDC a perdu 443 millions USD en exonérations fiscales au profit de Sicomines, soit 16 % des dépenses fiscales nationales, signale cette organisation.
« Et le pire est à venir : la RDC pourrait perdre jusqu’à 7,5 milliards USD de recettes fiscales d’ici les 17 prochaines années, montant équivalent au soutien total annoncé par les entreprises chinoises », prévient le collectif.
Pendant ce temps, après 16 ans d’existence, le bilan du contrat Sicomines reste alarmant. Sur les 3 milliards USD promis pour les infrastructures, moins de 888 millions USD ont été réellement investis.
« La RDC se retrouve avec des dettes qui s’accumulent, des infrastructures au rabais et un partenariat qui continue à lui échapper », souligne le CNPAV.
Avec l’avenant 5, le financement des infrastructures repose désormais sur le cours mondial du cuivre. Si son prix tombe sous 8.000 USD la tonne, la contribution de Sicomines diminue. En dessous de 5.200 USD, elle disparaît totalement. « Aucune route, aucun hôpital, aucune école, mais Sicomines continuera à exploiter tranquillement le cuivre et le cobalt du pays », regrette le collectif.
En 2024, avec un cuivre à 9.144 USD la tonne, la RDC aurait dû recevoir 456 millions USD pour ses infrastructures. Verdict ? Seulement 324 millions USD, soit une perte de 132 millions USD. « De quoi construire une centrale électrique ou une usine stratégique. Mais à la place, c’est le statu quo », compare le CNPAV.
Alors que la RDC a cédé à Sicomines plus de 619.000 tonnes de cobalt, un minerai clé pour la transition énergétique, « ce dernier ne figure même pas dans le calcul des financements pour les infrastructures », dénonce l’organisation. Résultat : aucune retombée directe pour le pays, alors que la partie chinoise en tire d’énormes profits.
Depuis 2008, le contrat Sicomines échappe aux circuits classiques de gestion publique.
« Le projet est piloté dans l’ombre par un cercle restreint, à l’écart du Parlement, des régies financières et même du Trésor public », affirme le CNPAV.
La renégociation de l’avenant 5 a suivi la même logique. « 22,5 millions USD de jetons de présence ont été versés aux membres de la commission de négociation… financés directement par Sicomines, partie prenante et bénéficiaire de l’accord », souligne le collectif, pointant un conflit d’intérêts majeur.
Face à cette situation préoccupante, le CNPAV exhorte le Président Félix Tshisekedi et son gouvernement à appliquer le Code Minier révisé de 2018 à Sicomines pour garantir une fiscalité équitable; auditer intégralement le projet, aussi bien sur l’exploitation minière que sur les infrastructures ainsi qu’à réviser et plafonner les exonérations fiscales, jugées excessives et nuisibles aux finances publiques.
« Le temps n’est plus aux discours triomphalistes, mais à la refondation complète de ce ‘contrat du siècle’, devenu un gouffre financier sans fin pour le peuple congolais », conclut le CNPAV.
Yvette Ditshima