Cet article fait partie de la série d’articles qui accompagnent la carte interactive du secteur cupro-cobaltifère produite par le China Global South Project.
À Kolwezi, en République démocratique du Congo, une partie des habitants du quartier Gécamines a été forcée à quitter les habitations proches d’une carrière minière de cobalt. La société chinoise COMMUS (Compagnie minière de Musonoie) est au cœur d’un dossier de délocalisation controversée.
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Les points de vue et les opinions exprimés n’engagent toutefois que l’auteur et ne reflètent pas nécessairement ceux du China Global South Project. Le China Global South Project et ses affiliés ne peuvent en être tenues pour responsables.
Le China Global South Project
Dans la périphérie sud-est de Kolwezi, à une dizaine de kilomètres du centre-ville de Kolwezi, environ 400 ménages se préparent à quitter le village Tshabula. La zone se situe dans le périmètre industriel de COMMUS, filiale de la chinoise Zijin Mining Group Ltd.
L’attente de l’argent en échange des départs suscite une certaine frénésie. Ici, plusieurs ne préfèrent la remise de fonds à la relocalisation sur un autre site. « Nous allons construire Tshabula 2, quoique plusieurs occupants de Tshabula ou sinon tous veulent toucher de l’argent en guise d’indemnisation », fait observer pour sa part l’avocat de COMMUS, Patrick Ilunga. Et c’est ce que confirme la cheffe du village elle-même : « Chacun aura son argent et nous irons construire notre nouveau village ».
Adelard Makonga exige une délocalisation juste
En 2022, le quartier Gécamines, adjacent au centre-ville, au sud-ouest de cette zone, a vu près de 40% de son espace devenir une carrière minière de cobalt et de cuivre. 209 ménages en sont partis, dans un processus de délocalisation controversé.
Symbole de cette controverse, Adelard Makonga a refusé de partir. Il a exigé une « délocalisation légale », montant ainsi les enchères face à COMMUS dont le périmètre qui part de Tshabula couvre le quartier. La société a convenu avec les habitants des indemnisations en espèces, pour éviter le long processus de relocalisation prévu par la loi congolaise.
« Je n’exige pas grand-chose de COMMUS. Tout ce que je veux, c’est d’être réinstallé dans les mêmes conditions qu’ici », déclarait Makonga sur une télévision locale, en mai 2023, un mois avant son décès. Mais Makonga est mort avant d’avoir enfin perçu les fonds convenus pour son départ.
Selon la loi, une délocalisation en bonne et due forme est préparée par celui qui délocalise. Celui-ci prépare le lieu, bâtit pareil dans les mêmes proportions et installe ceux qu’il déplace. Or, des personnes délocalisées déplorent l’absence d’eau et d’électricité dans les quartiers où ils se sont réinstallés.
La cité Gécamines, une compensation qui ne plaît pas à tous
La cité Gécamines, 38 000 habitants, a été bâtie au seuil de la décennie 1940 pour le logement des employés de la Générale des carrières et des mines (Gécamines), une société publique. La Gécamines détient la minorité des parts sociales dans COMMUS et Zijin Mining Group Ltd en détient la majorité des actions. La mine de Kolwezi a une capacité de production annuelle de 120 000 tonnes de cuivre et 3 000 tonnes de cobalt.
Différents chiffres circulent au sujet de la hauteur des compensations proposées par COMMUS en échange des départs des habitants ciblés. Certains médias locaux avancent 25 000 USD, d’autres 25 000 à 100 000 USD selon la valeur des biens contenus dans la parcelle. Sur le terrain, en revanche, les coûts de constructions varieraient entre 40 000 et 100 000 USD, selon les contestataires suivis par le média local Wangu TV. Mais l’entreprise COMMUS a avancé « la moyenne de 80 000 USD » par ménage, selon son avocat Patrick Ilunga.
Edmond Chansa, soixante ans d’âge, s’est réinstallé dans sa maison inachevée, à l’est de Kolwezi. Il assure que COMMUS et la commission de délocalisation ont refusé la demande de réinstallation. « Ça a été un refus catégorique. Nous étions contraints de quitter moyennant l’argent qui nous a été donné sur base d’une expertise qu’eux-mêmes ont faite, sans nous y associer », explique Chansa.
Dans son rapport de septembre 2023, Amnesty International indique que les autorités locales n’ont pas organisé de véritables consultations publiques ni pris en compte les réclamations des personnes “expulsées”. Celles-ci, par exemple, ont demandé de leur verser une indemnisation qui tienne compte de la vraie valeur des propriétés qu’elles ont été menées à quitter. Bien plus, la société minière chinoise n’aurait pas publié de rapport d’impact environnemental, comme l’exige pourtant la loi.
Ce litige n’empêche cependant pas l’avocat de COMMUS d’affirmer que « la délocalisation se passe bien. » L’argent donné à ceux qui sont partis, explique Patrick Ilunga, est venu « après l’évaluation faite par la commission de délocalisation. Laquelle est constituée des membres du gouvernement, des députés et de la société civile ».
Les défis environnementaux très peu pris en compte
Pour toute prévention des pollutions, la société chinoise a bâti un mur qui limite l’accès à la carrière. Kolwezi en a vu émerger un autre, en 2017 à Kasulo, où la société chinoise Congo Dongfang international Mining (CDM) a pris le contrôle d’une carrière artisanale en pleine agglomération, et où elle avait délocalisé 600 familles. Mais comme à Kasulo, le mur ne lutte pas contre la pollution de l’air. En même temps, les maisons privées détruites ne sont pas généralement prises en compte.
Une délocalisation totale de tous ceux qui sont exposés à ces dangers, les cités Gécamines et Musonoie s’impose, pense Schadrack Mukad, leader de la société civile du Lualaba. Plusieurs fois, il a suivi la pollution sonore, du fait des explosions dans la mine ; la pollution atmosphérique, du fait de ces explosions des roches qui soulèvent de la poussière ; et les dégradations des habitations. « Les habitants ne savent pas rester dehors ni exposer leurs habits au séchoir après la lessive », explique Schadrack Mukad. Bien plus, la nappe phréatique « s’est davantage éloignée en profondeur à tel point que pour trouver l’eau de forage, il faut aller à 100 ou 150 mètres de profondeur. »
Dans ce cas, la pollution devient permanente à Kolwezi. « Il ne s’agit pas seulement des craintes, mais c’est la vérité qui se vit, même pour ceux qui ne travaillent pas dans le secteur minier », explique Jean-Pierre Kamb, géologue.
À ce jour, ce n’est pas encore certain si tous les habitants exposés seront relocalisés ou s’ils recevront une indemnisation, même si certains sont clairement prêts à quitter le lieu.
Didier Makal