Au terme de sa mission officielle qui l’a conduit à Luanda, en Angola, du mardi 28 au samedi 2 août 2025, le Vice-Premier Ministre, Ministre de l’Economie Nationale, Daniel Mukoko Samba, s’est prêté aux questions des médias. Du partenariat entre les investisseurs congolais et angolais, de l’importance du Corridor de Lobito ; de la gestion des déchets, impulsion que recherche le gouvernement congolais pour redorer l’image de la Ville de Kinshasa, tout a été abordé. Sans esquisses, l’envoyé du gouvernement congolais a tout dit entre les lignes qui suivent. Interview.
Excellence, Monsieur le Vice-Premier Ministre, vous venez d’effectuer une visite de travail, en Angola, à la tête d’une délégation des entrepreneurs congolais. Quel était l’objectif de cette mission économique et que peut-on y retenir ?
Daniel Mukoko Samba : De cette mission, il y a deux choses importantes à retenir. La première chose à retenir, dans le concret, c’est le dialogue public-privé. C’est-à-dire un membre du gouvernement qui se déplace, accompagné des entrepreneurs congolais pour leur ouvrir des voies, de l’espace, pour échanger avec des entrepreneurs d’un autre pays.
Dans le cas d’espèce, c’est l’Angola. C’est ce qu’il faut premièrement retenir de l’objectif de notre mission. Deuxième chose, quand vous regardez notre pays, vous verrez que nous sommes au centre de l’Afrique, semi-enclavé. Ainsi, notre salut réside aussi dans la manière dont nous nous intégrons dans les différents espaces régionaux. L’Angola et la RDC partagent 2.511 km de frontières. Plusieurs provinces de la RDC sont frontalières avec plusieurs provinces de l’Angola. On peut imaginer qu’il y a différents peuples de part et d’autre qui sont en interaction. Maintenant, il faut formaliser cette interaction par une coopération économique plus forte, au-delà des aspects institutionnels. Bien plus, il faut mettre un accent sur les relations entre les deux gouvernements.
La question du Corridor de Lobito est revenue plusieurs fois lors de vos échanges avec les opérateurs angolais. Que représente ce Corridor pour la RDC ?
DMS : Un peu plus haut, je viens de parler de l’intégration régionale. Le meilleur exemple
récent d’intégration régionale, c’est ce corridor de Lobito, qui met ensemble trois pays, à savoir : la Zambie, la République Démocratique du Congo et l’Angola. Ainsi, la RDC a un grand rôle à jouer dans ce corridor, d’abord pour rentabiliser les investissements que les différents pays, l’Angola et la Zambie, ont fait dans le domaine des infrastructures, mais aussi pour que notre pays, la RDC, en soit un acteur majeur. Il est apparu au cours de cette mission que des entreprises angolaises ou des entreprises internationales, des multinationales qui avaient déjà une assise ici en Angola, se préparent pour tirer profit de ce corridor. C’est très intéressant de voir comment des entrepreneurs congolais peuvent s’allier à ces entreprises pour développer ensemble des projets concrets.
En termes clairs, que vous voulez-vous dire ?
Lors de cette mission, il y a eu l’aspect visible, notamment les échanges que j’ai eus moi-même présent. Mais il y a l’autre aspect qui n’est peut-être pas très visible, notamment les échanges en bilatéral entre tel entrepreneur congolais et telle entreprise angolaise. Lors de leurs changes, ils ont décelé des intérêts communs. Ainsi donc, l’Angola est un tissu d’infrastructures assez impressionnant, mais aussi la connexion avec des milieux financiers internationaux. C’est ainsi que nous estimons, pour notre part, qu’il est important pour la RDC, avec toute la dynamique qui se met en place, notamment à travers le corridor de Lobito, de faire aboutir ce grand projet économique.
Mais il faudra que je précise qu’il n’y a pas que le corridor de Lobito, parce que les frontières que nous partageons ne se limitent pas qu’au Lualaba. La RDC partage ses frontières avec l’Angola avec les provinces du Kasaï, du Kwango, du Kongo Central. Vous constaterez qu’il existe différents mini-corridors que nous pouvons développer ensemble pour plus d’échanges économiques. Ces derniers vont également renforcer la bonne amitié qui existe entre nos deux pays.
Quel est le niveau d’exécution des travaux du Corridor de Lobito ?
Le corridor de Lobito, c’est ce chemin de fer qui mène jusqu’au port, mais le fret qui va rentabiliser ce chemin de fer est en RDC. Aujourd’hui, toute la production minière du Katanga, jusque-là, était évacuée par route jusqu’en Afrique du Sud. Des engagements ont été pris pour qu’une certaine proportion de cette production minière sorte par chemin de fer. Il y a encore un segment ferroviaire sur nos territoires sur lesquels nous devons travailler pour le rendre plus efficace, plus efficient et le connecter à travers cette ville frontalière de Luau, à la frontière entre la RDC et l’Angola. Ce projet est revenu plusieurs fois dans nos échanges pendant ces trois jours de mission économique officielle parce que
j’estime que ça urge.
Quelle est la prochaine étape de cette mission économique effectuée en Angola ?
Nous allons terminer cette mission économique en signant quelques documents, des lettres d’intention entre entrepreneurs congolais et angolais qui envisagent d’évoluer en partenariat. De ce fait, le gouvernement va faire le suivi pour s’assurer que ce que nous avons connu ici évolue. Mais, il y a une question que nous avons énormément discuté ici : c’est la question de la gestion des déchets. Ce qui frappe entre Kinshasa et Luanda, c’est qu’on voit moins de déchets à Luanda, alors qu’ils sont devenus une nuisance quotidienne à Kinshasa.
Le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi a tapé du poing sur la table pour demander que nous fassions des efforts pour la salubrité de la ville de Kinshasa. Donc, ce que nous connaissons à Kinshasa, Luanda l’a vécu et a fait des progrès en impliquant des entreprises privées qui ont pu rentrer dans un secteur qui apparaît aujourd’hui comme un secteur public au sens pur du terme. Mais si vous avez des privés qui rentrent dans un secteur, ça signifie qu’on peut faire de l’argent. Par ce mécanisme, il faudra comprendre que les déchets sont une ressource qui peut créer des richesses ; que les déchets peuvent être traités pour devenir une ressource.
Dans ce domaine précis, qu’est ce qui a été notamment discuté ?
DMS : On a parlé de la manière traiter les déchets pour en faire des combustibles pour nos
cimenteries qui, en ce moment-là, peuvent réduire les importations de charbon. Ce qui aura pour conséquence de réduire le coût de production et de baisser le prix du ciment. Donc sur cette question de déchets, ce n’est pas que les privés congolais, mais en tant que ministre de l’Économie, j’envisage bien de voir, parce qu’il y a un aspect environnemental, mais aussi un aspect économique, comment on peut mettre en place une économie des déchets en République Démocratique du Congo, en commençant par Kinshasa.
Etes-vous satisfait de cette mission économique effectuée en Angola ?
DMS : Satisfait oui, parce que, d’abord, je reviens à mes deux aspects. Beaucoup d’entrepreneurs congolais sont venus et lors de nos prochaines missions, il y en aura d’autres. Nous n’allons pas nous arrêter ici. Il y aura d’autres missions parce que nous avons la responsabilité de faire émerger des entreprises congolaises. Et ces entreprises peuvent émerger plus facilement en s’associant avec leurs collègues d’autres pays. Dans ces cas-ci,
s’il s’agit de l’Angola.
Interview réalisée à Luanda
par la Cellcom/ECONAT