En République démocratique du Congo, les minorités sexuelles ont de sérieuses difficultés à trouver de l’emploi, rapporte une récente étude de l’ONG canadienne Cuso International.
Dans le cadre d’un de ses projets intitulé « Talents Pluriels », l’ONG Cuso International a lancé une étude à Kinshasa, Bukavu et Lubumbashi sur le statut socio-économique des jeunes vulnérables. Les résultats démontrent de cette étude demontrent entre autres que des minorités sexuelles en RDC ont de sérieuses difficultés à trouver de l’emploi.
Qu’est-ce qui explique cette réalité ? Leur statut social et leurs orientations sexuelles, conclut l’étude. Sur les 1066 minorités sexuelles interrogées, 71% disent être victimes de discrimination dans le marché de l’emploi du fait de leur orientation sexuelle, alors que 66.14% témoignent avoir été victimes de violence sexuelle en milieu professionnel.
Quelques responsables d’entreprises ont été interrogés sur cette question. Si globalement, ils déclarent ne pas pratiquer de la discrimination ou la stigmatisation face aux minorités sexuelles, les enquêteurs notent qu’en réalité, très rares sont les entreprises qui reconnaissent avoir employé une personne minorité sexuelle. De toutes les entreprises interviewées, une seule reconnaît avoir employé une lesbienne. Aucune entreprise ne reconnaît avoir employé de gays.
« S’il est difficile de déterminer si cette invisibilité est liée au recrutement ou à l’invisibilité des minorités sexuelles, il convient toutefois de signaler que près d’un responsable d’entreprise sur quatre (22%) déclare l’existence de pratiques discriminatoires au recrutement en défaveur des LGBTQ+. Les faits comme le refus de collaboration des autres collègues (10%) et les stéréotypes ou caricatures (28%) sont fréquent dans les entreprises. Face à ces comportements homophobes en milieu de travail, les minorités sexuelles ne bénéficient d’aucune protection particulière », rapportent les enquêteurs.
Au-delà des discriminations
Mais le problème d’accès à l’emploi des minorités sexuelles peut être bien complexe. Au-delà des caractères discriminatoires, il peut être lié à la formation. Par exemple, 77% des minorités sexuelles interrogées affirment avoir un niveau d’études insuffisant. L’enquête a montré qu’elles ont nettement moins d’opportunités de bénéficier d’une formation professionnelle (47%) comparativement à d’autres jeunes vulnérables comme les jeunes femmes (54%) et les personnes vivant avec handicap (53%). Mais cela n’explique pas tout. De toutes les catégories des jeunes vulnérables, les minorités sexuelles ont pourtant une proportion élevée à avoir un niveau d’études supérieures (42 %) comparativement aux personnes vivant avec handicap (27%) et aux filles-mère (22%), mais inférieur par rapport aux albinos (50%) et aux jeunes femmes (52%).
« Nous sommes capables de faire tout ce que les autres font comme travail, mais le problème est qu’on ne nous donne pas l’opportunité de montrer ce dont nous sommes capables », a déclaré un jeune minorité sexuelle dans le focus group organisé dans le cadre de cette étude.« J’ai obtenu mon travail par le canal d’un partenaire en Belgique, sans lequel je serai au chômage », ajoute-t-il.
Le fait pour les minorités sexuelles de considérer que ce sont les autres qui ont les meilleures opportunités traduit une discrimination dont elles seraient victimes sur le marché d’emploi, dans les rémunérations ou encore l’avancement en grades, selon l’étude.
Toutefois, 19 % considèrent qu’elles ont les mêmes opportunités que les autres catégories des jeunes vulnérables
Hôtellerie, esthétique et restauration
Autre constat : le marché du travail ne semble pas considérer le vrai potentiel des minorités sexuelles. « Plusieurs d’entre- nous ont de bons niveaux d’études, seulement nous peinons à trouver de l’emploi à cause de notre orientation sexuelle. On nous confine souvent dans des activités qui ne reflètent pas nos compétences. Dans le milieu de travail, les gens nous jugent sur ce que nous sommes plutôt que sur ce que nous sommes capables de réaliser. Je suis ingénieur agronome, quand je vais chercher du travail dans mon domaine, les recruteurs me disent d’aller chercher dans l’hôtellerie, la restauration ou l’esthétique », explique une minorité sexuelle interrogée dans le cadre de cette étude. Et d’ajouter : « La société nous a tagués des emplois à exercer dans le salon de coiffure et non dans les banques. Ceux qui s’en sortent bien dans la communauté, émergent sous le parrainage ou l’appui des minorités sexuelles relativement aisés ».
Mais, il y a quand-même lieu de noter quelques points positifs en faveur des minorités sexuelles dans les milieux professionnels. Ils sont 65% à considérer qu’ils ont de très bonnes relations avec leurs collègues de travail. Une des meilleures pistes proposées dans le cadre de cette étude pour atténuer la vulnérabilité des minorités sexuelles dans le domaine de l’emploi reste la formation à l’entrepreneuriat, d’autant plus que leur protection juridique demeure relativement faible.
Sur plus de 5107 jeunes vulnérables ayant suivi une formation en entrepreneuriat en dehors tout comme au sein des trois espaces coworking mis en place dans le cadre du projet Talents Pluriels, des minorités sexuelles ont été des bénéficiaires.






