Ces derniers mois, l’ambiance est délétère au sein de la Fédération congolaise de football (FECOFA). L’instance va être suspendue par la Fifa, et un comité de normalisation va être désigné.
Le football congolais va mal. Sur le plan sportif, les résultats sont catastrophiques : la sélection nationale A n’a pu se qualifier ni pour la Coupe du monde au Qatar ni pour la dernière Coupe d’Afrique des nations au Cameroun, et elle est loin d’être assurée d’être en Côte d’Ivoire en 2023. Quant à la sélection locale, elle a été éliminée dès le premier tour lors du dernier Championnat d’Afrique des nations en Algérie, tandis que le championnat national est interrompu depuis plus de trois mois.
La situation institutionnelle est aussi très tendue. À tel point que du côté de la Fifa, l’idée de suspendre la fédération et de nommer un comité de normalisation, à laquelle adhère la Confédération africaine de football (CAF), s’est concrétisée.
Détournements et scandale
Selon nos informations, les choses se sont accélérées à Kigali, en marge du congrès de la Fifa. « La sanction va tomber fin mars ou début avril. La Fifa ne voulait pas annoncer cela pendant la trêve internationale, qui verra la RDC affronter la Mauritanie en qualifications pour la CAN 2024 [le 24 mars à Lubumbashi et le 28 mars à Nouakchott], confirme une source proche de la Fecofa, actuellement présidée par Donatien Tshimanga. Ce choix a été fait pour plusieurs raisons.
D’abord pour préparer la nouvelle élection à la présidence de la fédération, qui aurait dû avoir lieu en avril prochain. Mais le processus de validation des nouveaux statuts a pris du retard et ce comité de normalisation, qui devrait dans un premier temps être nommé pour six mois, devra préparer ce scrutin.
Ensuite, le football congolais est confronté à un vaste scandale de pédophilie, comme l’avait révélé en novembre 2022 le journaliste français Romain Molina sur le site Sport News Africa. La Fifa, qui n’avait pas émis la moindre réaction se serait, selon plusieurs sources, décidée à agir.
Enfin, l’instance du football mondial a appris que les sommes qu’elle a versées à la Fecofa pour les droits de retransmission télévisée concernant les qualifications à la Coupe du monde auraient en partie été détournées par des membres du comité exécutif de la fédération. Une enquête est actuellement en cours.
Duel à distance entre la CAF et Constant Omari
À l’approche de la mise en place de ce comité de normalisation, les tensions sont exacerbées. Certains acteurs du football congolais soupçonnent en effet la CAF de vouloir jouer un rôle actif dans ce processus. « Dieudonné Sambi Nsele-Lutu, le directeur financier de la Fecofa, a ses partisans à la CAF comme le secrétaire général, Veron Mosengo-Omba, qui souhaitent qu’il soit nommé président de ce comité, souffle l’une de nos sources. La CAF craint en effet que l’un des proches de l’ancien président Constant Omari ne soit élu. Or, ce dernier et Mosengo-Omba ne s’apprécient pas. »
Du côté de Kinshasa, il se murmure que Théo Binamungu, l’ancien secrétaire général de la Fecofa (à qui beaucoup reprochent en RDC d’avoir fermé les yeux sur le scandale de pédophilie) et Roger Bondembe, l’ancien directeur financier de l’ère Omari, envisagent sérieusement de se porter candidats. Une hypothèse qui n’enchante guère la CAF.
« La CAF souhaitait que Didier Drogba soit élu à la présidence de la fédération ivoirienne, et c’est Idriss Diallo qui l’a été. Au Cameroun, elle soutenait officieusement Seidou Mbombo Njoya, le président sortant, et c’est Samuel Eto’o qui a raflé la mise. Elle n’est donc pas enchantée par la perspective de voir l’une des plus grosses fédérations d’Afrique dirigée par un comité qui ne lui sera pas favorable », ajoute une autre source.
Jeune Afrique