Le feuilleton de la résurgence du Mouvement du 23 mars (M23) tel que géré sur le plan diplomatique, non sans lien avec le rapport de force sur le terrain des opérations militaires, semble révéler une stratégie de dissimulation activée contre la République démocratique du Congo. Cette dernière, après avoir revu au rabais ses relations avec le Rwanda, a (1) exclu toute éventualité de négocier avec le M23 sans le retrait de ses positions jusqu’au Mont Sabynio, et, pour justifier sa position, a (2) considéré ce dernier comme un “mouvement terroriste”.
Force est de constater que ce narratif congolais peine à séduire les interlocuteurs de Kinshasa. Pour preuve, dans aucune réunion consacrée à la situation sécuritaire dans l’Est du pays, les participants ont convenu de présenter le M23 comme tel dans un document public.
Le gouvernement congolais aurait-il pris le risque de vite “qualifier” l’activisme de ce groupe armé ou aurait-il peu mis en évidence les éléments à la base d’une qualification rigoureuse d’un mouvement terroriste par les instances des Nations unies ? En attendant de pouvoir y répondre, il pourrait y avoir une évidence : le M23 est reconnu, en vertu du processus de Luanda, comme un groupe armé congolais. Très loin du banal.
Dans les deux Feuilles de route de Luanda (celles de juillet et de novembre 2022), il est sous-entendu que le Rwanda instruise le M23 de se retirer de ses positions – une imprécision longtemps interprétée en RDC comme une reconnaissance implicite du pouvoir de Kigali sur ce groupe -. Le non-respect des délais fixés pour ce retrait a également été diversement interprété.
Pour les uns, c’est une violation des décisions des Chefs d’Etat à ne pas laisser impunie. Pour d’autres, rien n’astreind Kigali à donner injonction au M23 de quoi que ce soit, d’autant plus qu’il s’agit d’un groupe armé congolais. Les méfaits de l’imprécision … A chacun sa lecture des faits.
Par ailleurs, les propos du Ministre des Affaires étrangères de la RDC, samedi 25 février dans un briefing avec le Porte-parole du Gouvernement, revenant sur un point du compromis trouvé à une réunion sur la RDC en marge du dernier sommet de l’UA, taraudent l’esprit des observateurs. Christophe Lutundula a annoncé que le président angolais João Lourenço et Uhuru Kenyatta, ancien chef d’État kényan, ont été chargés de notifier les autorités du M23 au sujet des décisions prises lors du sommet extraordinaire d’Addis-Abeba.
« A la première phase qui commence le 28 février, le M23 se retire de Kibumba, Karega, Kiroliwe et Kitshanga. A la deuxième phase, prévue du 13 au 20 mars, le M23 se retire de Rumangabo, Kishishe, Bambo, Kazarogo, Tongo et Mabenga. L’autre phase, qui commence du 23 au 30 mars, le M23 se retire de Rutshuru, Kitshanga et Bunagana », a déclaré Christophe Lutundula.
Notifier. C’est-à-dire «informer quelqu’un expressément», « porter un acte juridique ou une décision à la connaissance des intéressés en observant les formes légales».Ceci traduit une reconnaissance de l’existence à part entière de la partie concernée.
Après la consécration du M23 comme étant « Congolais », cette initiative de notification tend à dissocier clairement ce mouvement du Rwanda. De quoi, courtoisie oblige, entrevoir une réaction du M23 au Président angolais non sans en saisir l’occasion pour s’exprimer au-delà. Cette interaction n’est pas symboliquemet dénuée de sens. D’autant plus qu’au dernier sommet extraordinaire de l’EAC début février à Bujumbura, une dangereuse brèche avait été ouverte et ne semble pas encore avoir été colmatée. Il y a été préconisé, contre la position de Kinshasa dans un communiqué rejeté par ce dernier, le retrait et, quasi simultanément, le dialogue.
La notification aura-t-elle exclusivement servi au retrait ? Kinshasa devrait s’y employer au secret pour ne pas se voir entrainé à passer le Rubicon.
Lembisa Tini (PhD)