La Cour constitutionnelle de la République démocratique du Congo est appelée à intégrer pleinement les normes internationales relatives aux droits humains dans sa jurisprudence. C’est la principale préoccupation soulevée ce mardi par Me Patrick Nsasa, chargé de la direction de suivi des activités des institutions publiques de l’Association Africaine des Droits de l’Homme (ASADHO), lors d’une conférence-débat organisée au Silikin Village de Kinshasa par le cabinet Kabengela Ilunga, sur le thème : « Les arrêts controversés de la Cour constitutionnelle : forces et faiblesses ».
Devant un public composé de chercheurs, d’avocats, de journalistes et d’étudiants, Me Patrick Nsasa a dénoncé l’absence de référence aux instruments juridiques internationaux pourtant ratifiés par la RDC.
« Le constat que nous faisons aujourd’hui : la Cour constitutionnelle ne fait pas référence aux textes internationaux ratifiés par la RDC. Alors qu’en vertu de l’article 215 de la Constitution, il y a la primauté du droit international sur le droit du pays », a-t-il affirmé.
Il a rappelé que l’article 61 de la Constitution interdit toute dérogation à certains droits fondamentaux, même en période d’état d’urgence. Il s’agit notamment du droit à la vie, de l’interdiction de la torture, de la non-discrimination, de la liberté d’opinion et du droit à un procès équitable. Ces garanties, selon lui, devraient systématiquement orienter l’interprétation de la Cour.
Parmi les forces de la Cour, Me Nsasa a relevé sa capacité à bloquer des lois inconstitutionnelles, sa compétence en matière de contentieux électoral et la consécration progressive de certains principes fondamentaux dans sa jurisprudence, notamment l’égalité devant la loi et la liberté de réunion.
Mais ces points positifs sont éclipsés par des faiblesses majeures. « Il n’existe pas de voie d’accès direct pour un citoyen victime de violations de ses droits fondamentaux, ce qui prive la population d’un outil de protection juridique pourtant essentiel », a-t-il souligné.
Il a également dénoncé l’instrumentalisation politique de la Cour dans des affaires à haute portée, son silence face à des textes liberticides, et des arrêts qui vont à l’encontre des engagements internationaux de la RDC, comme celui autorisant la levée du moratoire sur la peine de mort.
Toutefois, Me Nsasa a formulé plusieurs recommandations notamment amender la loi organique pour permettre un recours individuel direct en matière de droits fondamentaux ; renforcer la formation des juges constitutionnels en droit international et en droits humains ; rendre obligatoire la motivation des arrêts en s’appuyant sur les textes internationaux ratifiés ainsi qu’instaurer un dialogue structuré entre la Cour, la société civile, le barreau et les institutions de défense des droits humains.
Yvette Ditshima