Longtemps attendue, la table ronde sur l’évaluation de l’état de siège va finalement se tenir du 14 au 16 août à Kinshasa, au palais du peuple, sous la conduite du Premier ministre, Sama Lukonde.
Cette table ronde qui va réunir des responsables des institutions, de la société civile et des provinces concernées va-t-il aboutir à la recommandation pour la fin de l’état de siège à quatre mois des élections ? Le communiqué de la Primature , consulté par INFOS.CD, évoque la « nature consultative » de cette table ronde.
Décrété dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri depuis mai 2021 par le chef de l’État, Félix Tshisekedi, cette mesure exceptionnelle qui confie la gestion de l’administration aux militaires n’a pas tenu ses promesses de restaurer la paix en neutralisant tous les groupes armés.
Bien au contraire, la situation sécuritaire semble avoir empiré. C’est sous l’état de siège que la rébellion du M23 a refait surface en novembre 2021, dix ans après sa mise en déroute.
En Ituri, les exactions perpétrées contre les civils par notamment la milice CODECO ont plus qu’augmenté, selon divers rapports des organisations des droits de l’homme.
Dans les deux provinces, les terroristes d’ADF ont aussi multiplié des massacres contre les civils malgré des actions militaires communes entre les armées congolaise et ougandaise.
Pour défendre leur bilan, les gouverneurs militaires — le général Constant Ndima pour le Nord-Kivu et le général Johnny Luboya pour l’Ituri — ont longtemps indiqué que cette dégradation de la situation sécuritaire est à considérer comme des actes de représailles des groupes armés, désormais traqués et en difficulté. Mais plus de deux ans après, cette justification ne tient vraiment plus.
Selon l’ancien gouverneur du Nord-Kivu et actuel ministre de l’Industrie, Julien Paluku, il est plus que temps de laisser les militaires se consacrer uniquement aux affaires de défense de la patrie et laisser la gestion de l’administration aux civils.
« Si un militaire s’énerve quand on veut lever l’état de siège, c’est qu’il y a un problème », avait-il déclaré le mois dernier devant la presse locale à Beni.
« Promenade »
« Malgré l’état de siège, je n’ai pas l’impression que les choses se sont sensiblement améliorées. La situation ne peut pas continuer comme ça », a déclaré vendredi 12 août le cardinal Fridolin Ambongo lors la célébration à Butembo, des 25 ans d’episcopat de Mgr Sikuli Paluku.
L’évêque de Butembo-Beni est aussi de ceux qui dressent un bilan négatif de l’état de siège et demandent sa cessation. Le mois dernier, il avait qualifié de « promenade », la présence des autorités militaires à la tête des provinces sous état de siège.
Enrichissement
Par ailleurs, plusieurs acteurs politiques et des mouvements citoyens dénoncent une tendance dangereuse d’enrichissement des autorités militaires.
Dans les villes de Goma, Butembo et Beni, les actes de spoliation des espaces publics par les autorités de l’état de siège sont couramment signalés. Rien que dans la capitale provinciale du Nord-Kivu, la LUCHA a identifié 27 terrains publics menacés de spoliation.
Une commission Ad hoc pour faire l’état de lieu de la spoliation de certaines parcelles de l’Etat en ville de Goma a même été mise en place le 2 mai dernier pour faire la lumière sur cette « prédation continue ».
Quand il l’avait décrété, le président Tshisekedi avait, déclaré que l’état siège ne serait levé que lorsque les motifs à l’origine de son instauration, auront disparu. Plus de deux ans après, l’on est loin de la disparition de l’insécurité.
Fidèle Kitsa