L’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République Démocratique du Congo et la Région signé le 24 février 2013 à Addis-Abeba (Ethiopie), reste d’une actualité renouvelée. Considéré toujours par le conseil de sécurité des Nations unies comme un « instrument indispensable pour une paix durable en République démocratique du Congo et la stabilisation de la région », cet Accord-cadre produit peu d’effets comme l’illustre la « guerre » dans l’Est du pays.
Dans une déclaration faite le 24 février dernier, ses institutions garantes (ONU, UA, CIRGL et SADC) ont exhorté « tous les pays signataires à respecter leurs engagements ». Ce, sans accéder à la pressante demande congolaise de sanctionner le Rwanda, accusé d’actes d’agression au regard du droit international n’ayant de sens que selon les contextes et les parties prenantes.
Les frustrations en découlant côté congolais pourraient à juste titre disposer d’aucuns à conclure hâtivement quant à l’inutilité de cet Accord. Pourtant, en creusant, il y a lieu d’en cerner le sens profond.
Bienfondé de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba
Cet instrument juridique vise essentiellement la création des conditions structurelles de la fin des cycles récurrents des violences armées dans l’Est de la RDC. Sa mise en oeuvre, non assortie de sanctions, relève essentiellement de la bonne foi des parties. Le Conseil de sécurité des Nations unies, instance compétente pour prendre des mesures coercitives contre des Etats, s’en refère en passant annuellement en revue la situation en RDC et dans la région.
Signé en 2013, après la conquête de Goma par les M23, résurgis en 2021, l’Accord-cadre a, pour la RDC, un enjeu la singularisant. Rappelons que cet Accord-cadre, comprenant six engagements nationaux, sept engagements régionaux et cinq engagements internationaux, a été signé par la RDC, les pays de la région, l’ONU, l’UA, la CIRGL et la SADC.
Il fait, en outre, intervenir les USA, la France, la Belgique,le Royaume uni et l’Union européenne. Le message est assez clair pour ne pas être déconsidéré par l’Etat congolais.
Image de la RDC à redorer
A la différence des engagements régionaux et internationaux, la RDC a souscrit à six engagements axés sur une très audacieuse ambition, à savoir: la transformation organisationnelle de l’Etat congolais. En clair, ayant reconnu que la fragilité de l’Etat est un facteur majeur des conflits et de la conflictualité dans l’Est du pays, Kinshasa s’est engagé à mener des réformes structurelles de divers ordres.
Le but étant non seulement de rendre dissuasive les services de sécurité et de défense congolais mais aussi d’assurer l’efficacité et l’efficience de l’administration publique, de renforcer la performance de la justice, de maîtriser la corruption, d’attirer les investisseurs, notamment les sociétés multinationales, les véritables décideurs de nouvelles relations internationales. Y a-t-il un secteur d’activités attestant de l’efficacité organisationnelle? Le Président de la République s’est récemment plaint de nouveau de notre justice toujours « malade ». Notre administration publique est-elle bien portante? Etc.
Preuve qu’onze ans après la signature de l’Accord-cadre, la RDC peine à faire des avancées pourtant utiles pour son envol économique aux effets tangibles sur le social des populations. Au-déla des lois promulguées, la mise en oeuvre des réformes structurelles doit consister surtout au changement des mentalités et des pratiques, posant encore problème.
Dès lors, il y va de l’intérêt de la RDC de s’auto-évaluer pour rectifier les tirs et faire des avancées significatives en vue de sa transfiguration. Au seuil de ce second mandat du chef de l’Etat, une rigoureuse auto-évaluation de la mise en oeuvre des engagements nationaux pourrait largement inspirer l’élaboration de la politique nationale que conduira le prochain Gouvernement de la République.
Car, le premier bénéficiaire de l’Accord-cadre est indubitablement la RDC qui ne devrait pas se compromettre en se référant à des partenaires régionaux. Ces derniers tirent profit d’une situation conjoncturelle de faiblesse de l’Etat congolais et manoeuvrent pour le maintenir hors de la piste censée le mener, à terme, au rétablissement de sa vocation d’Etat-pivot.
L’enjeu de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba consiste essentiellement pour la RDC à se crédibiliser auprès de ses partenaires extérieurs dont les plus déterminants sont sensibles à la réputation internationale de l’Etat. Celle de notre entité étatique, en toute honnêteté, est, pour le moins, négative. Une faiblesse que les autres exploitent en nous entraînant dans une autre dimension de la guerre, celle de l’ordre symbolique.
Comme le fait remarquer Simon Anholt (1996), » la réputation d’un pays se comporte un peu comme l’image de marque d’une entreprise ou d’un produit. À ce titre, l’image de marque d’une nation (d’un Etat) peut avoir une incidence significative sur sa prospérité, son bien-être et son bon fonctionnement. » Ceci assurant son caractère fréquentable.
Somme toute, la RDC a pleinement intérêt de se rémodeler pour devenir attractive au sens le plus noble du terme. A défaut, elle risque de rester victime d’une image non réluisante projetée auprès des instances occultes de haute influence régionale, ignorant et ne se donnant pas la peine de comprendre le problème matériel de l’Est de la RDC. Leur logiciel ne relevant pas de nos considérations.
Lembisa Tini (PhD)