Attendu ce mercredi, le verdict dans l’affaire de l’ancien ministre de la Justice, jugé pour détournement présumé de près de 20 millions de dollars destinés à la construction d’une prison à Kisangani, a été reporté sans que l’on puisse maîtriser la véritable raison. Et pourtant, le décor était déjà planté à la Cour de cassation et les alentours où un dispositif sécuritaire spécial a été observé avec la police anti-émeute.
Les autorités ont-elles redouté des troubles à l’ordre public à l’annonce du jugement des juges ? Le prévenu était déjà sur la route, escorté par ses sympathisants quand il a été sommé de faire marche-arrière.
En quelque chose, malheur est bon pour l’ancien Garde des Sceaux ? Les conséquences de l’affaire judiciaire qui le tourmente peuvent-ils lui être politiquement profitables ? En tout cas, celui qui se présente volontiers comme la « réincarnation de Lumumba » a fait de son procès une tribune politique. « C’est le procès de ma vie. Ma carrière politique est en jeu », l’a souvent répété devant les juges.
Sur les réseaux sociaux, l’homme ne cesse d’attirer la sympathie de ceux qui ne se posent pas mille questions pour le présenter comme le Jésus-Christ préféré à Barabbas.
« Dans tous les scénarios, Constant Mutamba sort gagnant. Condamnez-le et faites de lui un héros. Acquittez-le, confirmez que c’était un procès injuste! », lance un journaliste, fervent supporter de l’ancien ministre de la Justice.
Influenceurs des réseaux, stars de télé et autres internautes sont comme convaincus de l’innocence de Mutamba et se mobilisent pour sa cause. Ce jeune acteur politique a fait de sa résidence, ces derniers jours, l’épicentre d’une théatralisation synchronisée dont lui seul detient le secret. Dire qu’il est populiste est un euphémisme pour celui qui maîtrise l’art de la manipulation. Ce n’est pas pour rien qu’il consacra le gros de son budget au ministère de la Justice à la communication, pour ne pas dire sa propagande. « Pour un révolutionnaire, la communication est une arme », a-t-il souvent répété à ses invités du soir. Ce juriste qui veut incarner Fidèle Castro se voit grand, peut-être un peu trop. Une ambition sudimensionnée très affichée qui ne pouvait pas manquer de lui créer des ennuis au milieu des caïmans. Outre ses différentes kinoiseries contre les membres de la magistrure, il a même osé sentir, en public, l’odeur du détournement dans une pièce marquée par la présence de la cheffe du gouvernement.
Finalement, c’est chez lui-même que le PGR Firmin Mvonde a humé la mauvaise odeur. Mais si la foule n’a pas d’etat d’âme, elle manque également souvent de discernement. La voilà en train de béatifier Mutamba, le héros présenté par certains comme le futur président de la République. Plus emballant encore, des jeunes de son âge, qui s’identifient désormais à lui, dans une sorte de conflit intergénérationnel face à la vieille garde qui se protège mutuellement, alors que les scandales de corruption ne manquent pas dans ce pays. En réalité, pour certains, ce n’est pas que Mutamba ne s’est compromis. Mais pourquoi seulement lui qui doit être sévèrement traité alors que beaucoup de prédateurs des fonds publics n’ont jamais été sanctionnés ?
La rédaction