« Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ». A qui la faute si la République démocratique du Congo aurait été, une fois de plus, flouée au dernier sommet extraordinaire des chefs d’Etat de la Communauté d’Afrique de l’Est ?
La récente sortie médiatique du Ministre des Affaires étrangères, Christophe Lutundula, aux côtés du Porte-parole du Gouvernement, lundi 13 février, aura été une occasion manquée de faire l’économie des mots … En effet, au cours de ce breifing consacré au 20è sommet extraordinaire de cette organisation sous-régionale tenu le 04 février à Bujumbura et au communiqué officiel de la RDC signé le jour suivant par ses soins, Christophe Lutundula déclare : « C’est comme ça qu’on s’est retrouvé à Bujumbura samedi 4 février. Nous étions là. On a discuté et je vous épargne les factuels pour passer à l’essentiel. Il y a un communiqué qui est sorti, qui ne reflétait pas le débat en tout cas, qui ne reflétait pas notre point de vue … J’ai fait avec l’autorisation de mes supérieurs hiérarchiques un communiqué, au nom du gouvernement, pour recadrer ce qui a été décidé ».
Non prise en compte du «point de vue» de la RDC
En clair, le Ministre exprime sa frustration de n’avoir pas obtenu gain de cause de ce sommet dont il avait la charge de préparer le résultat. C’est difficile d’ingurgiter que la RDC n’ait pas pu, séance tenante, par des canaux existants, émettre explicitement des réserves sur la substance du communiqué final du sommet. Le faire en solo, de retour à Kinshasa, et en donner l’explication au public près de dix jours après, traduisent l’embarras dans lequel le Ministre se serait senti à ce propos.
D’autant plus que, dans un sommet, le communiqué final n’est pas imposé mais plutôt négocié. Sauf imprudence pour alerter du “complot ourdi” qui, du reste, pouvait être déjoué dans une anticipation soigneusement construite dans un champ de rivalités où opère le Rwanda, accusé d’une énième agression de la RDC.
Le Secrétaire général de l’EAC, mis en cause par le Ministre des Affaires étrangères, est le “secrétaire du sommet”(article 67, 3 du traité revisé de l’EAC). »
«(…) Les actes et les décisions du sommet peuvent être signifiés par le secrétaire général ou tout autre fonctionnaire au service de la Communauté qui a été dûment autorisé par le sommet». Ceci suggère à considérer que le secrétaire général de l’EAC n’a point élaboré, de son propre gré, les termes du communiqué final du sommet. D’autant plus qu’il ne le peut aucunement.
Inutile de rappeler que Peter Mutuku, secrétaire général de l’EAC, est de nationalité kényane, et fut proposé à ce poste par Uhuru Kenyatta, actuel facilitateur du processus de consultations du gouvernement congolais avec les groupes armés.
«Recadrer ce qui a été décidé»
Est-ce par un communiqué d’un Ministre du gouvernement d’un pays membre non mandaté à cet effet par le sommet de l’EAC qu’une décision de cette dernière instance devrait être recadrée? Quelle est la portée juridique et/ou diplomatique du communiqué du Ministre Lutundula au sein des dispositifs institutionnels de l’EAC dont «les décisions du sommet sont prises à l’unanimité» (article 12 du traité revisé) ?
Le sommet de cette communauté économique régionale prévoit de “déléguer l’exercice de n’importe laquelle de ses fonctions, à des conditions qu’il décide d’imposer, à un membre du sommet, au Conseil ou au Secrétaire Général ”. Il va sans dire que l’initiative de communication, au travers d’un communiqué, ne plaide pas en faveur de l’administration de la preuve de l’implémentation des pratiques de l’EAC par la RDC qui, à ce jour, n’est pas encore “pleinement et entièrement” membre de cette organisation sous-régionale. A souligner. Ce, quand bien même elle participerait aux activités de cette communauté.
L’erreur stratégique de la diplomatie congolaise est le soin laissé au Burundi, considéré à tort depuis trois ans comme un allié de Kinshasa à cause de ses tensions avec Kigali, de désactiver la médiation angolaise initiée par le Président du Sénégal et de l’Union Africaine, Macky Sall. Les rapports entre ce dernier et son homologue du Congo démocratique devenus “exécrables”, l’EAC en a tiré parti au dépens de Kinshasa.
La rigueur de l’analyse prospective du Ministère des Affaires étrangères aurait pu permettre à la diplomatie de construire ses postures en fonction du long terme à envisager sans équivoque. Au dernier briefing, la communication diplomatique de la RDC a accusé de la naïveté. Preuve, si besoin, que la diplomatie congolaise y va au gré des vagues.
La participation de la RDC à la réunion du 09 février des chefs d’état- major des pays de l’EAC tenue explicitement sur la base du communiqué final du sommet du 04 février contredit le Ministre Christophe Lutundula.
Lembisa Tini (PhD)