Le discours annuel du président Félix Tshisekedi sur l’état de la nation, prononcé mercredi devant les deux chambres du Parlement réunies en congrès, a marqué un moment clé pour la politique nationale. Cependant, un détail d’importance a été largement remarqué : l’absence d’un interprète en langue des signes sur la chaîne nationale RTNC, privant ainsi les personnes sourdes et malentendantes de cet événement crucial.
Pour plusieurs défenseurs des droits des personnes en situation de handicap, cette omission est le reflet d’une marginalisation persistante de cette catégorie de citoyens en République démocratique du Congo.
« C’est une injustice évidente. Lorsqu’un président s’adresse à son peuple, c’est à tout le peuple. L’absence d’un interprète signifie que les personnes sourdes ne sont pas considérées comme faisant pleinement partie de cette nation », a réagi un militant des droits des handicapés à Kinshasa.
Ce n’est pas la première fois que des événements nationaux ou officiels ignorent les besoins spécifiques des personnes handicapées. Malgré la création d’un ministère dédié et la ratification de plusieurs conventions internationales, notamment la Convention relative aux droits des personnes handicapées, les mesures d’inclusion restent limitées.
Selon un rapport récent, la RDC compte environ 2,5 millions de personnes ayant une déficience auditive. Or, les ressources adaptées à cette population, comme les interprètes en langue des signes, sont quasi inexistantes dans les grandes institutions publiques, les médias et même dans les services essentiels comme la santé et l’éducation.
Cet incident a provoqué une vague d’appels à l’action de la part des organisations de la société civile. Elles demandent au gouvernement et aux institutions publiques, y compris la cellule de Communication de la présidence , de systématiser la présence d’interprètes en langue des signes lors de tous les grands événements médiatisés du chef de l’État.
« La langue des signes n’est pas un luxe, c’est une obligation si nous voulons réellement bâtir une société inclusive et équitable. Chaque discours présidentiel, chaque décision publique majeure doit être accessible à tous », a souligné Moise Luzayisu, activiste et interprète en Langue des signes et porte parole du Réseau des Interprètes Gestuel en Langue des signes en Afrique Central.
Ironie du sort, le président Félix Tshisekedi a consacré une partie de son discours à souligner les efforts de son gouvernement pour renforcer l’inclusion sociale, notamment en faveur des personnes vivant avec handicap. Toutefois, l’omission d’un interprète met en évidence un décalage entre les intentions annoncées et les actions concrètes.
Pour de nombreux Congolais, cet épisode est une occasion de rappeler que l’inclusion doit être une réalité dans tous les aspects de la vie publique. « Les personnes en situation de handicap sont des citoyens à part entière. Elles méritent d’être vues, entendues et prises en compte dans la construction d’un avenir meilleur pour notre pays », conclut l’activiste.
Alors que le gouvernement promet un avenir inclusif, les attentes des Congolais, notamment des personnes handicapées, restent grandes.
Yvette Ditshima