Pourquoi le chirurgien gynécologue congolais Denis Mukwege, Prix Nobel de la paix 2018, est-il resté muet sur sa discrète rencontre, samedi dernier à l’Ambassade de France à Kinshasa, avec le Président français Emmanuel Macron ? Pourtant, des attentes des Congolais ont convergé, pour une des rarissimes fois, à l’arrivée du premier des Français : voir le chef de l’Héxagone condamner l’agresseur du Congo démocratique.
Si Mukwege a effectivement, autant que l’ont souhaité des millions de Congolais,
demandé à Emmanuel Macron de durcir le ton face à Kigali, pour quel motif, après le départ de ce dernier du territoire congolais, le Fondateur et médecin-directeur de l’hôpital de Panzi se veut taiseux à ce propos ?
Pourtant, le 24 février, jour de ses derniers tweets, le Prix Sakharov 2014 s’était exprimé non sans évocation :
« L’enquête d’Amnesty International documente avec des témoignages terrifiants le viol de 66 femmes commis par M23 avec le soutien du Rwanda. À quand l’établissement d’une ligne rouge contre ces viols commis comme une méthode de guerre ? Les victimes ont droit à une prise en charge holistique et à la justice ! »
Une semaine après cette publication, le Président de Panzi Foundation, quoique reçu discrètemennt avant le tête-à-tête des deux chefs d’Etat, à en croire des médias français, a eu l’occasion de porter haut la voix des millons de ses compatriotes habitués à son audace oratoire. Il est évident que la rencontre Mukwege – Macron, diplomatiquement éloquente dans une capitale congolaise où personnalités et citoyens lambda savent le penchant du Président français pour le Rwanda de Paul Kagame, participe du refus français d’accorder une quelconque caution au pouvoir de Kinshasa aux résultats mitigés à quelques mois des élections. La figure de « l’homme qui répare les femmes » aura permis à cet effet aux stratèges français de planifier au mieux leur coup sec contre le béton congolais quelque peu «trahi par le bain de foule» de Macron à Bandal.
On peut supposer que Mukwege ait été mis à contribution par Macron sur le projet de ce dernier d’apporter son assistance humanitaire aux victimes des violences armées dans l’Est du pays. Toutefois, ne pas perdre de vue que l’humanitaire peut consister, comme c’est malheureusement souvent le cas en Afrique, pour les pyromanes, à prêter assistance aux victimes du feu sans en enclencher les mécanismes d’extinction.
De quel bord se trouverait donc Denis Mukwege ? D’une part, il sait compatir avec les victimes des actes les plus abominables commis dans l’Est du pays. D’autre part, il ne refuserait pas de communier à l’hostie et au calice consacrés par ceux qui résistent à peser de leur poids pour faire cesser ces cruautés alors qu’ils en ont le pouvoir.
« Si l’Afrique veut se décoloniser, elle doit sortir de la tutelle dans laquelle elle s’est installée ». Denis Mukwege, manifestement dans une position de politique active, devrait répondre davantage en actes à cette citation du philosophe Amadou Sadjo Barry.
Lembisa Tini (PhD)