A quinze mois de l’échéance, l’incertitude commence à planer quant au respect du délai constitutionnel dans l’organisation des prochaines élections.
Le Programme des Nations-unies pour le développement(PNUD) a, dans un document des 88 pages daté du juin 2022, fait état d’un « énorme risque » de glissement du calendrier.
A qui profiterait le report de la consultation populaire ? En tout cas pas à l’actuel chef de l’État, pour ces cinq principales raisons.
1. Encore un mandat à briguer
Félix-Antoine Tshisekedi a encore la possibilité de briguer un autre mandat en 2023. Il n’a d’ailleurs pas attendu d’être officiellement désigné par le congrès de son parti -UDPS- pour annoncer sa candidature.
Alors qu’il se contente d’une majorité parlementaire « artificielle » acquise essentiellement par le débauchage des anciens kabilistes, les nouvelles élections devraient être une occasion pour lui, de non seulement de se faire réélire proprement après le fourre-tout de Corneille Nangaa (résultats non détaillés) en 2018, mais aussi de former une nouvelle majorité composée de « vrais fidèles ». Ainsi, pourra-t-il démarrer un nouveau mandat sans se plaindre des ministres et autres mandataires qui bloqueraient ses actions.
Si en 2018, Joseph Kabila avait choisi le glissement, il l’avait catégoriquement refusé en 2011. Etant « 100% sûr » de battre tous ses candidats, même le redoutable figure emblématique de l’opposition Étienne Tshisekedi, Kabila avait catégoriquement refusé de repousser les élections malgré une demande de la communauté internationale et de l’opposition qui pensaient que les choses n’étaient pas prêtes.
2. Ne pas armer l’opposition
Qui dit glissement, dit dialogue politique qui, en RDC particulièrement, n’a jamais fait mystère de son vrai objectif : le partage du pouvoir. Tshisekedi est-il prêt à donner un poids financière, politique voire sécuritaire à ses adversaires d’une opposition qu’il considère « légère »? Aujourd’hui, à part quelque deux membres du gouvernement encore fidèles à Katumbi (Mwando Nsimba et Chérubin Okende), toute l’armada institutionnelle ne jure que par « Béton ». Se réfugiant derrière la réclamation d’un consensus dans la composition de la CENI ou encore de la guerre dans l’Est, beaucoup d’opposants ne demandent qu’un glissement pour se refaire une santé avant les épreuves.
3. Tenir sa promesse
A chaque fois qu’il est interrogé sur la tenue des élections, le président de Tshisekedi rassure qu’elles auront lieu dans le délai constitutionnel. S’il est loin de faire de la RDC l’Allemagne d’Afrique à l’approche de la fin du mandat, il a au moins l’occasion de tenir cette promesse. Ce n’est pas les moyens financiers qui seraient le problème alors que le trésor public réalise le double de ses recettes.
La guerre dans l’Est serait un argument pas très solide. En faisant appel à la force régionale EAC, Tshisekedi n’envisage clairement pas de faire face au M23 jusque l’année prochaine.
4. Ne pas embarrasser les partenaires extérieurs
Après la mauvaise expérience de 2016, les partenaires internationaux, en première ligne les États-Unis ne cessent de prévenir contre un nouveau glissement. Ayant rouvert les portes à l’appui électoral extérieur, fermées par son prédécesseur, le cinquième président congolais devrait maîtriser mieux que quiconque la nécessité de ne pas embarrasser les partenaires internationaux. Surtout qu’il aura besoin des soutiens politiques internes et externes après un premier mandat marqué par la contestation de sa légitimité. Ce mois, il a rassuré le secrétariat d’État américain Anthony Blinken en visite à Kinshasa.
5. Éviter la crise interne
La crise politique, on sait comment elle commence, pas forcément comment elle va se terminer. Alors, vaut mieux l’éviter quand tout est sous son contrôle exclusif. Entre 2016 et 2018, des centaines de Congolais sont morts pour exiger la tenue des élections. L’UDPS- son parti, a payé le plus lourd tribut avec des militants tués et brûlés par un commando la nuit du 19 au 20 septembre 2016 en représailles au saccage la journée lors d’une marche de réclamation des élections, d’un des sièges du PPRD de Joseph Kabila.
Socrate Nsimba