Au cours d’un entretien exclusif avec Infos.cd, le Dr. Glorry Panzu, président de l’Ordre national des pharmaciens en RDC, a chargé les autorités étatiques d’être à la base du capharnaüm qui caractérise le secteur pharmaceutique congolais. Le laissez-faire, le manque de rigueur, et la complaisance vis-à-vis des investisseurs étrangers…, autant de maux déplorés par Panzu qui, en outre, affirme qu’il n’y a « rien de bon » dans ce secteur ô combien vital pour la population congolaise. Entretien.
Infos.cd : Dans quel état se trouve le secteur de la pharmacie en RDC ?
Glorry Panzu : Le secteur connaît beaucoup de difficultés. La plupart de textes ne sont pas appliqués. Certains ont même vieilli et nécessitent une mise à jour. Cependant, il y a des textes qui sont intéressants et peuvent permettre que les choses se passent correctement. Ils ne sont malheureusement pas respectés. Voilà la photographie, de manière ramassée, du secteur.
Ça bloque à quel niveau cette application des textes ? Au niveau de l’Ordre ou de l’Etat ?
Normalement, celui qui garantit la santé des Congolais, c’est l’Etat congolais. Ceux qui sont censés faire appliquer ces lois, sont les inspecteurs, la justice. Les inspecteurs et la justice doivent faire leur travail. C’est là que se pose le problème. Au niveau de l’Ordre, la loi prévoit une procédure disciplinaire pour armer moralement les pharmaciens afin qu’ils soient utiles dans l’exercice de notre profession.
Que pouvez-vous préconiser pour rectifier le tir ?
Il faut premièrement de la volonté politique au niveau des décideurs, l’application des textes et les moyens qui doivent être mis en place pour permettre d’organiser les choses chez nous. Il faut aussi de la détermination des inspecteurs et de la justice qui sont des principaux acteurs pour booster le changement. Les moyens permettront de réfléchir sur comment investir dans ce secteur qui, avant tout, est libéral mais qui peut muer à un secteur d’activités économiques. Les moyens en soi ne sont vraiment pas un problème. C’est plutôt la volonté qu’il faut pour transformer notre monde.
Quelle est la procédure pour ouvrir une pharmacie en RDC ?
Normalement, c’est au pharmacien de faire la demande d’ouverture d’une pharmacie auprès des services compétents de l’Etat. Ce pharmacien doit en plus réunir toutes les conditions y afférentes. Malheureusement, les gens ouvrent d’eux-mêmes ou avec la bénédiction des personnes non compétentes, notamment les bourgmestres des communes, maires des villes et autres.
Que faites-vous, en tant qu’Ordre national des pharmaciens, pour empêcher que des pharmacies soient ouvertes illégalement ?
Les juges, les inspecteurs, les magistrats doivent faire leur travail. Ils ont été nommés par le chef de l’Etat pour chercher les infractions et sanctionner les délinquants. C’est aux OPJ, qui sont des pharmaciens, qui doivent chercher les infractions dans le but de les punir afin d’empêcher que cela se reproduise. L’Ordre des pharmaciens, lui, fait toujours son travail de dénoncer ou donner l’information voire d’encourager quand c’est bien fait.
Quel rapport entretenez-vous avec des industries pharmaceutiques des expatriés installées en RDC ? Sont-elles contrôlées ?
Nous avons de bons rapports avec ces investisseurs qui se sont installés chez nous. Tout ce que nous leur demandons, c’est de se conformer aux lois de notre pays. Malheureusement, ils sont parfois soutenus par certaines autorités et pharmaciens, car d’eux-mêmes, ils ne peuvent pas agir et faire comme ils font. Nous demandons plutôt aux compatriotes de ne pas laisser ces étrangers détruire notre secteur.
Qu’avez-vous trouvé de bon et de mauvais à votre avènement à la tête de l’Ordre national des pharmaciens ?
Je dois avouer que concernant le secteur pharmaceutique congolais, je n’ai rien trouvé de bon. Le tableau est sombre. La plupart de pharmacies ne sont pas autorisés à œuvrer. Le nombre de dépôts pharmaceutiques, qui ne devrait pas être plus de dix, quinze ou vingt, sont au-delà de cent à ce jour. Nous nous battons pour faire pression aux autorités pour qu’elles s’y mettent afin que les choses changent.
Que fait l’Ordre pour assainir ce secteur qui est le vôtre ?
L’Ordre des pharmaciens n’est pas acteur de l’assainissement. Il s’agit d’une mission de l’Etat qui est lui-même gestionnaire de la cité. Nous, au niveau de l’Ordre, nous nous limitons à faire des propositions, dénonciations ou encore encourager le gestionnaire de la cité à user de ses prérogatives pour agir conséquemment dans l’intérêt de la population.
Qui est censé faire le contrôle d’un médicament interdit ou retiré du marché, mais qui continue à être utilisé abusivement par certains établissements de santé ?
L’Etat congolais a mis en place un établissement public à caractère scientifique et technique dénommé : Agence congolaise de réglementation pharmaceutique (ACOREPH). C’est cette autorité qui est habilitée pour identifier tout médicament en situation de prohibition afin de le mettre hors d’état de nuire, le détruire, de proposer des sanctions à la justice contre les personnes responsables ou agir directement pour sceller les établissements responsables d’une telle infraction. Nous sommes en collaboration avec cette agence. Elle fait partie des structures auprès desquelles nous adressons certaines propositions faisant office des solutions pour le secteur pharmaceutique congolais.
Mot de la fin
Nous sommes des techniciens, l’Etat devrait nous écouter. Il n’existe pas plus grande organisation de la vie civile au sein du secteur pharmaceutique que l’Ordre des pharmaciens. Nous sommes premiers acteurs du secteur. L’Etat ainsi que tous ceux qui évoluent dans le secteur pharmaceutique ont de l’intérêt à nous écouter.
Propos recueillis par Giscard Havril Mane