Relation avec le pouvoir en place, patrimoine foncier, commercialisation de ses espaces, gestion des écoles, prêtres avec enfants… A trois jours de la visite du Pape François à Kinshasa, INFOS.CD a voulu jauger la santé de la plus grande institution ecclésiastique du pays. Dossier spécial.
Il n’y a pas mieux implantée et certainement mieux organisée en République démocratique du Congo que l’église catholique. Avec plus de 35 millions de fidèles estimées et une présence dans tous les coins et recoins, la République démocratique du Congo reste le plus grand réservoir des catholiques en Afrique.
Le Pape François, qui sera en visite à Kinshasa du 31 janvier au 3 février, vient dans un territoire presque conquis. Mais dans quel état trouvera-t-il la plus grande représentation de l’église romaine en Afrique ? Dans un dossier exclusif publié à partir de ce samedi, INFOS.CD passe en revue quelques défis et problèmes que rencontre l’église catholique au Congo.
Éternelle opposante
D’abord, il y a cette relation toujours assez délicate avec le pouvoir politique. Cardinal Fridolin Ambongo en première ligne, l’Église n’a cessé d’être critique vis-à-vis des dirigeants. Et ce rôle de sentinelle des valeurs démocratiques et de bonne gouvernance n’est toujours pas apprécié par les tenants du pouvoir qui y voient une intrusion dans ce qui « appartient à César ». Sous Mobutu, les Kabila et aujourd’hui Tshisekedi, l’on renvoie très souvent l’église à s’occuper uniquement de l’évangile et de la foi de ses fidèles.
Mais comment s’occuper uniquement de l’Évangile quand on joue un rôle social central dans la société ? Depuis quelques mois, une certaine accalmie s’observe entre l’Eglise et le pouvoir. Peut-être un cessez-le-feu en attendant la visite du Pape. Mais en cette année électorale, les tensions ne sont jamais loin.
Déjà au départ du processus électoral, les catholiques, avec les protestants, n’ont pas voulu valider la candidature de l’actuel président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Denis Kadima, le soupçonnant d’être très proche de l’actuel chef de l’État (ils sont originaires de la même province).
Après le forcing d’autres confessions religieuses, Kadima s’était imposé. Placés devant un fait accompli, les catholiques ont décidé de faire avec, tout en essayant de « construire la confiance ». Mais le rapport du début des opérations d’enrôlement des électeurs dans la partie Ouest du pays que catholiques et protestants ont récemment présenté n’est pas du tout élogieux pour la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Il soulève plusieurs irrégularités et dysfonctionnements. Les laïcs catholiques doutent même des premiers chiffres présentés par l’organe électoral.
Patrimoine foncier menacé
L’église catholique voit également son patrimoine foncier être sérieusement menacé de spoliation à Kinshasa et tout comme à l’intérieur du pays.
Le cardinal Ambongo accuse ouvertement des autorités politico-administratives et des officiers militaires.
La question est très préoccupante pour l’eglise qui a hérité d’immenses terres depuis la colonisation et le Pape devrait s’y pencher lors de ses rencontres avec les responsables politiques.
« Je loue chez les prêtres »
Au-delà de cela, il y a aussi ce phénomène très fréquent à Kinshasa où des catholiques cèdent en location leurs espaces aux entités commerciales. Au point de créer une promiscuité entre un lieu sacré et un marché. L’année dernière à Saint Dominique de Limete, le Cardinal Ambongo a été scandalisé de voir une galerie commerciale être construite juste à côté de la grotte mariale. Dans ce dossier, INFOS.CD visite quelques espaces catholiques cédés à des commerçants, très souvent des Indo-Pakistanais.
Écoles privées-catholiques
La mise en œuvre de la gratuité de l’enseignement primaire par le président Tshisekedi n’a pas vraiment arrangé les relations entre l’église catholique et le pouvoir. La première estime que les frais de fonctionnement et une meilleure prise en charge des enseignants par l’État ne suivent pas cette initiative louable, de peur de dégrader la qualité de la formation. Mais le second considère que la « frustration » vient du fait que les responsables de l’Eglise se voient priver des millions de dollars collectés auparavant dans la prise en charge des parents. Mais dans différentes écoles conventionnées, on semble avoir trouvé un moyen pour contourner ce problème. Plusieurs bâtiments scolaires estampillés « privés-catholiques » poussent à côté de ceux dédiés à l’État dans le cadre de la convention scolaire.
Si en Europe ou en Amérique, l’on parle de la pédophilie des prêtres, en RDC, l’église catholique est secouée par le scandale des prêtres ayant des enfants. L’an dernier, la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) avait sommé tout prêtre qui se trouvait dans cette situation de quitter volontairement la vie sacerdotale pour s’occuper de sa famille. Où en sommes-nous avec cet ultimatum ? A suivre dans ce dossier exclusif.
Socrate Nsimba
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