En République démocratique du Congo, l’église catholique s’est toujours retrouvée à faire le contre-poids des pouvoirs politiques, à ses risques et périls.
On croyait observer une trêve entre le pouvoir et l’église catholique locale le temps de la visite de Pape François du 31 janvier au 3 février, jusqu’à ce que le cardinal Fridolin Ambongo rappelle ce week-end que « le Pape ne vient pas pour donner un coup de main électoral à un régime politique. »
Le prélat catholique répliquait ainsi aux propos tenus jeudi par le premier vice-président de l’Assemblée nationale. André Mbata affirmait que les « catholiques vont voter massivement Félix-Antoine Tshisekedi » grâce à qui le Pape sera au pays.
L’église et le régime Tshisekedi n’ont jamais vraiment émis sur une même longueur d’ondes. Ce n’était pas non plus le cas avec les Kabila ni avec Mobutu.
Avec Tshisekedi pourtant, d’aucuns croyaient que tout irait bien quand on se rappelle du fameux « 50/50» prononcé par Jean-Marc Kabund alors secrétaire général de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) qui faisait à l’époque référence à des manifestations anti-Kabila organisées par l’église en profitant de la fin des messes auxquelles prenaient part les militants de l’UDPS. Felix-Antoine Tshisekedi et tous les autres opposants à l’époque en profitaient également, eux qui avaient du mal à mobiliser depuis la mort d’Étienne Tshisekedi.
« Il est temps que les médiocres dégagent ». Cette célèbre phrase du regretté Laurent Monsengwo Pasinya, prononcée après une marche catholique qui s’est soldée par des morts en 2017 résumait à elle seule la posture de l’église face au pouvoir.
Outre les manifestations de terrain, l’église catholique a joué un rôle central pour l’alternance avec le dialogue politique organisé par les évêques fin 2016 ayant abouti à l’accord de Saint Sylvestre. Le Pape François s’est impliqué personnellement en conseillant Joseph Kabila au Vatican de ne pas briguer un troisième mandat.
Après la présidentielle de 2018, Félix-Antoine Tshisekedi est annoncé vainqueur. Il passe donc de l’opposition au pouvoir. L’église, elle, reste dans l’opposition, contestant les résultats de cette présidentielle sur base du rapport de ses observateurs déployés sur l’ensemble du pays.
Depuis quatre ans, les relations sont ainsi difficiles entre les deux camps.
Les pro-Tshisekedi décryptent chaque homélie ou sortie médiatique de Fridolin Ambongo qu’ils qualifient de tous les noms d’oiseaux.
Année électorale
La dernière levée des boucliers a concerné le processus de désignation du président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Rejoints par les protestants, les catholiques se sont farouchement opposés à la désignation de Denis Kadima qu’ils considéraient être un proche de Felix-Antoine Tshisekedi. L’homme a fini par passer, porté par les six autres confessions religieuses.
Les catholiques ont après juré d’aller de l’avant et de construire une relation de « confiance» avec le successeur de Corneille Nangaa. Mais ils n’ont décidément pas encore dit leur dernier mot et attendent Kadima au tournant. Déjà, leur Rapport à mi-parcours des opérations d’identification et d’enrôlement des électeurs qui note plusieurs irrégularités ne caresse pas la CENI.
En cette année électorale, les relations pouvoir -église catholique peuvent encore être tendues.
« Sans l’Église, le peuple congolais sombrerait dans le désespoir »
Depuis Mobutu, l’église catholique en RDC a toujours eu maille à partir avec le pouvoir. Le 16 février 1992, la « marche de l’espoir » des catholiques qui réclamaient le retour des travaux de la Conférence nationale souveraine s’était transformée en « massacre des chrétiens ».
Décidément en RDC, l’église joue mieux le rôle de contre-poids du pouvoir plus que les politiques, souvent prêts à traverser la rue au gré des intérêts personnels.
« Sans l’Église, le peuple congolais sombrerait dans le désespoir», estimait le cardinal Ambongo qui a toujours répété que l’église ne peut être au milieu du village. Mais toujours du côté des pauvres, des petits, des plus faibles et des plus fragiles à l’exemple de Jésus-Christ.
Mais il reste conscient que l’Église au Congo prend ainsi des risques qui lui attirent parfois « l’animosité des puissants ».
Socrate Nsimba
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