Avec une prévision de croissance moyenne de 3,5 %, l’Afrique subsaharienne résiste à la morosité mondiale. Mais l’inflation et la dette restent des épées de Damoclès pesant sur les économies du continent.
Dès le 1er janvier, Kristalina Georgieva, la directrice du Fonds monétaire international (FMI), a tiré la sonnette d’alarme. « Un tiers de l’économie mondiale sera en récession en 2023 », a-t-elle souligné, ce qui signifie que cette année sera « plus difficile que la précédente ». Selon les prévisions de l’institution de Bretton Woods, la croissance au niveau mondial sera de l’ordre de +2,7 % cette année, contre +3,2 % en 2022. Il s’agit du niveau le plus faible depuis 2001, hors crise financière de 2008 et pandémie de Covid en 2020.
Si les États-Unis (+1 %), la zone euro (+0,5 %) et la Chine (+3 %), principaux moteurs économiques de la planète, accusent le coup, personne n’est épargné. Encore moins le continent africain, qui continue par ailleurs de payer l’addition des conséquences de la pandémie de Covid-19.
Le Sénégal en tête, le Rwanda cale
Avec une projection de +3,5 %, l’Afrique subsaharienne fait mieux que les autres régions, à l’exception de l’Asie, qui résiste aussi avec une croissance attendue de +4,3 %, portée par la bonne performance indienne (7%). Cela dit, ces deux espaces feront moins bien qu’en 2022, où l’évolution du PIB était de +3,6 % pour la première et de +5 % pour la seconde, et seront légèrement en retrait par rapport aux projections pour 2023 d’il y a quelques mois, alors respectivement de +4% et +4,6%.
Selon le FMI, dix pays africains doivent dépasser la moyenne continentale. C’est en particulier le cas du Sénégal, qui se place à la tête du classement avec une prévision de croissance +8,1 % en 2023. Une embellie qui s’explique par l’émergence du secteur des hydrocarbures, avec le démarrage prochain du projet Grand Tortue Ahmeyim, en partenariat avec BP.
Vient ensuite le Niger avec +7,3 %, grâce au développement de l’agriculture via notamment la nouvelle initiative agricole « 3N », les investissements publics dans les infrastructures et l’augmentation des investissements directs étrangers (IDE) dans le secteur extractif.
La RDC et le Rwanda sont ex-aequo à la 3e place avec une croissance prévue de +6,5 %. La performance attendue de Kinshasa se nourrit de l’exploitation minière et de l’amélioration des infrastructures logistiques et de transport. Du côté de Kigali, le rythme de croissance décélère par rapport à 2022 (+7,5 %) à cause des chocs exogènes. Le pays des Mille collines s’éloigne de plus en plus du 8 % de croissance moyenne qu’il a réussi à maintenir entre 2000 et 2018.
Impact de l’essoufflement chinois
Alors que la Chine est non seulement le premier créancier mais aussi le plus important partenaire commercial du continent depuis 2009, la décélération de sa croissance risque d’avoir des répercusions sur ses échanges commerciaux avec l’Afrique.
Déjà au deuxième trimestre de 2022, le commerce sino-africain a pâti de la fameuse politique « zéro covid-19 » de Pékin. Sans oublier les inondations en Afrique du Sud qui ont contraint le port de Durban, depuis lequel transitent plus de 20 % des marchandises entre l’Afrique et la Chine, de se mettre à l’arrêt pour quelques mois.
Alors que les échanges du continent avec les États-Unis sont presque six fois moins importants que ceux avec la Chine, l’administration Biden semble vouloir profiter de l’affaissement chinois pour se repositionner. Comme en témoigne le sommet USA-Afrique qui s’est tenu les 13 au 15 décembre derniers, avec l’annonce faite par Washington de vouloir investir en trois ans 55 milliards de dollars sur le continent.
Recul de l’inflation
Une bonne nouvelle pointe tout de même dans les projections moroses du FMI : le ralentissement de l’inflation, avec pour principale cause la baisse de la demande faute de pouvoir d’achat. Selon l’institution basée à Washignton, la hausse mondiale du niveau des prix se stabilisera en 2023 à environ +4,7 %, ce qui correspond à un peu moins de la moitié de son niveau actuel. Toutefois, l’inflation reste supérieure au niveau pré-pandémie. Ce qui est particulièrement visible dans des pays comme le Zimbabwe, le Ghana ou encore le Rwanda, où la hausse des prix enregistrée en 2022 (surtout pour les denrées alimentaires) devrait se maintenir à un niveau élevé en 2023.
Certes, le prix du pétrole a diminué, mais il demeure plus élevé qu’il y a encore quelques mois. Idem pour les cours des matières premières, qui sont impactés par les sécheresses, les pénuries d’énergie et les distorsions sur les chaînes d’approvisionnement.
Pression sur les dettes
« Le risque que la crise de la dette s’élargisse dans les économies émergentes au cours de l’année 2023 augmente », a par ailleurs mis en garde la patronne du FMI. Le contexte inflationniste, le renchérissement des importations, l’absorption du coût lié aux conséquences de la pandémie de Covid-19 puis à la guerre en Ukraine mettent les comptes publics africains sous pression.
Sans oublier l’évolution des taux de change du dollar et de l’euro, qui ont de fortes conséquences sur les économies de la zone CFA. Aux États-Unis, les tensions salariales liées à la baisse du taux de chômage pourraient peser sur le ralentissement attendu de l’inflation et inciter la Réserve fédérale américaine (FED) à maintenir son taux directeur à un niveau élevé.
Une situation qui soutiendrait le dollar (lequel s’apprécierait), ce qui pourrait avoir des conséquences néfastes pour les pays fortement endettés dans cette devise, comme l’Angola, le Nigeria et le Maroc. En parallèle, si la valeur du dollar augmentait plus vite que celle de l’euro, le franc CFA utilisé en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale pourrait se déprécier comme cela a déjà été le cas il y a quelques mois.
Avec JA