Ce mardi 10 janvier, il a annoncé qu’il quittait ses fonctions de gouverneur du Lualaba, en RDC. La fin de deux années de bras-de-fer pour l’ancien ministre de Joseph Kabila.
Il était le dernier des proches de Joseph Kabila à occuper une telle fonction. Après Zoé Kabila, le frère cadet de l’ancien président, en mai 2021, Richard Muyej a cédé à son tour : ce 10 janvier 2023, il a démissionné de son poste de gouverneur du Lualaba (Sud).
En jetant l’éponge, l’ex-ministre de l’Intérieur met fin à deux ans de bras-de-fer, deux ans de calvaire, dit-il en substance. « Je ne pouvais pas quitter Kinshasa, je ne pouvais pas me rendre dans ma province, je n’étais pas payé… Il fallait que cela cesse et que je recouvre ma liberté », confie-t-il à Jeune Afrique.
« Acharnement et ruse »
L’affaire commence en septembre 2021, avec un rapport d’audit de l’Inspection générale des finances (IGF) sur la gestion de la province du Lualaba. L’enquête est accablante pour Richard Muyej, qui dirige la région depuis 2016. Elle le tient pour responsable du détournement de plus de 366 millions de dollars qui devaient être alloués à un projet agricole.
À cette période, l’homme est absent depuis plusieurs mois : il s’est rendu à Kinshasa puis en Afrique du Sud, officiellement pour des soins. Mais ses proches défendent vigoureusement sa gestion. « Mon honneur et ma probité ont été injustement mis en cause », se défend l’accusé qui parle quant à lui « d’acharnement, de ruse et de trahison ». Cela n’empêche pas l’Assemblée provinciale de le destituer quelques jours après la publication du rapport de l’IGF.
Il faut dire que l’organe vient de revêtir une couleur politique opposée à celle du gouverneur, qui est l’un des fondateurs du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) de Joseph Kabila. Alors que l’alliance entre l’ancien chef de l’État et son successeur a volé en éclat en 2020, les 22 députés provinciaux du Lualaba affichent désormais leur appartenance à l’Union sacrée, la nouvelle coalition de Félix Tshisekedi. C’est Fifi Masuka Saini, la vice-gouverneur de la province, qui assure de facto l’intérim depuis le début de l’affaire. Mais la destitution n’a pas été prise dans les formes, et la Cour constitutionnelle comme le ministre de l’Intérieur estiment que Richard Muyej reste gouverneur du Lualaba.
Gouverneur fantôme
La partie n’est pourtant pas finie. Depuis l’Afrique du Sud, le gouverneur reçoit plusieurs invitations polies à démissionner. Le poste de gouverneur est stratégique, la fonction convoitée. D’autant que le Lualaba est l’une des provinces les plus riches du pays. Richard Muyej affirme même avoir reçu la visite de Stéphane Kipré, un businessman ivoirien proche de Laurent Gbagbo (il fut marié à l’une des filles de l’ancien président), qui était venu discuter affaires à Kolwezi. Stéphane Kipré a quant a lui toujours démenti avoir effectué cette mission pour le compte du pouvoir congolais.
Après plusieurs négociations, notamment avec François Beya l’ancien sécurocrate de Félix Tshisekedi qui connaît bien les proches de Joseph Kabila pour avoir officié sous le régime de ce dernier, Richard Muyej se décide finalement à rentrer en RDC en avril 2022, mais il ne remettra pas les pieds à Kolwezi.
« Par trois fois, j’ai adressé des demandes au ministre de l’Intérieur, Gilbert Kankonde, pour quitter Kinshasa, je n’ai jamais reçu de réponse. » Richard Muyej est gouverneur, mais depuis sa résidence kinoise. C’est un gouverneur fantôme, sans pouvoir ni honneur.
Aucune appartenance politique
Le dernier épisode a lieu en novembre dernier, lorsque le dossier de détournement de fonds présumé rebondit. L’Assemblée provinciale du Lualaba vote alors une résolution autorisant le procureur général près la Cour de cassation à poursuivre le gouverneur.
Se défendant toujours d’une quelconque malversation, Richard Mujey a néanmoins décidé de rendre les armes. Ce mardi, il a donc adressé une lettre de démission à Félix Tshisekedi et a pu s’entretenir avec Guylain Nyembo, le directeur de cabinet du président. Il espère désormais « retrouver sa liberté et sa sérénité » et recevoir l’autorisation de se rendre en Afrique du Sud.
Cet ex-pilier du PPRD affirme qu’il avait également informé Joseph Kabila de sa décision, tout en disant ne plus appartenir à aucun parti. À 68 ans ce dinosaure de la politique congolaise se met en retrait, mais souligne « qu’il n’a pas encore l’âge de Joe Biden », le président américain.
Avec JA