Pour préparer sa revanche électorale contre Félix Tshisekedi, l’opposant se rend aux États-Unis cette semaine. Il y rencontrera des officiels américains, des membres de la diaspora congolaise et des chefs religieux. Coulisses.
Selon nos informations, Martin Fayulu devrait plaider devant le Congrès américain et l’administration de Joe Biden pour que Washington suive de près l’évolution de la situation de ce pays stratégique d’Afrique centrale qu’est la RDC et contribue à garantir des élections libres et équitables en 2023.
Les États-Unis ont joué un rôle clé dans l’issue de la présidentielle de décembre 2018 en soutenant la victoire de Félix Tshisekedi malgré le fait que de nombreuses irrégularités aient été dénoncées. Et Fayulu est déterminé à éviter que l’histoire se répète.
Le lobbyiste américain Jeffrey Smith participe à l’organisation de ce voyage dans le cadre du contrat passé avec Vanguard Africa qui gère, pour 7 000 dollars par mois, une « campagne indépendante, libre et équitable » en RDC.
Sa société est un sous-traitant de Future Pact, qui représente Fayulu pour 17 500 dollars mensuels jusqu’en décembre 2023.
Cette tournée est une « manœuvre classique pour se positionner avant les élections », affirme Joseph Szlavik, un lobbyiste rival travaillant pour le gouvernement de Tshisekedi via Scribe Strategies & Advisors.
« Tshisekedi veut supprimer toute question sur l’intégrité du dernier scrutin. » Pendant ce temps, Fayulu et ses alliés redoublent d’efforts pour faire valoir que les dernières élections étaient un « gâchis » et convaincre Washington d’être à l’affût de toute irrégularité ou de tout effort visant à saper l’opposition.
Martin Fayulu débutera ses apparitions publiques par une intervention, le 15 septembre, au Centre africain de l’Atlantic Council, dirigé par la Française Rama Yade, l’ancienne secrétaire d’État (chargée des Affaires étrangères, puis des Sports) de Nicolas Sarkozy. Puis la campagne de sensibilisation politique commencera le 19.
Lobbying intense
L’ancien candidat à la présidentielle devrait rencontrer plusieurs responsables politiques clés, notamment des membres de la Chambre des représentants, de la commission des Affaires étrangères du Sénat, ainsi que du département d’État, dont le directeur par intérim pour l’Afrique centrale, Joe Trimble.
La semaine dernière, l’administration de Joe Biden a annoncé un financement supplémentaire de 13 millions de dollars pour soutenir « des processus politiques transparents, crédibles et inclusifs » en RDC, portant le total de cette aide à 23,65 millions de dollars.
Le Congrès, en particulier, a joué un rôle clé en attirant l’attention sur la nécessité d’un vote équitable. Les législateurs ont fait l’objet d’un lobbying intense, notamment de la part de l’ancien président de la Commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, Ed Royce, un républicain californien qui travaille aujourd’hui pour le cabinet d’avocats King & Spalding et qui représente Moïse Katumbi, l’ancien gouverneur de la province du Katanga.
« Les élections de 2018 n’ont été ni libres, ni équitables et ont été entachées par les actions corrompues et antidémocratiques de l’ancien président Joseph Kabila, qui les a retardées, a installé des loyalistes à des postes critiques au sein de la commission électorale et du système judiciaire, et a supervisé une brutalité et un harcèlement généralisés contre les manifestants pro-démocratie et les dirigeants de l’opposition », ont écrit les principaux démocrate et républicain de la Commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, Gregory Meeks (New York) et Mike McCaul (Texas), dans une lettre adressée le 16 mars au secrétaire d’État, Antony Blinken.
« Bien que nous reconnaissions les mesures prises sous le successeur de Kabila, Félix Tshisekedi, pour ouvrir l’espace politique, lutter contre la corruption et réformer les institutions de l’État, des mesures supplémentaires doivent être prises maintenant pour ouvrir la voie à des élections libres et équitables en 2023, poursuivent-ils. La société civile locale et les militants religieux ont exprimé des inquiétudes quant à l’étendue de l’engagement du président Tshisekedi en faveur d’un scrutin équitable et compétitif, et quant à la composition et à la direction de la commission électorale, dirigée par Denis Kadima. »
Martin Fayulu honorera ensuite d’autres engagements. D’abord, un voyage à Chicago où il devrait rencontrer la diaspora congolaise et s’entretenir avec le Chicago Council on Global Affairs.
Selon le Bureau du recensement américain, 61 000 personnes nées en RDC vivaient aux États-Unis en 2019. En plus de chercher à obtenir des interviews avec CNN, Al Jazeera et Voice of America, Jeffrey Smith aimerait également mettre Fayulu en relation avec Greenpeace Afrique et d’autres organisations environnementales afin de discuter du financement international de la sauvegarde des tourbières et de la forêt tropicale du Congo.
Connexion catholique
Un autre élément important du voyage est la sensibilisation de la Conférence des évêques catholiques des États-Unis (USCCB). L’Église catholique occupe une place décisive dans la politique congolaise et avait parlé de la présidentielle comme « l’élection contestée de Fayulu », en janvier 2019. Le Congolais va « honorer quelques engagements auprès des dirigeants de l’Église étant donné leur rôle incroyablement crucial au Congo, confie Smith, en particulier en ce qui concerne les prochaines élections, notamment l’observation et la surveillance de celles-ci ».
Depuis les élections de 2018, la conférence catholique américaine a approuvé la publication d’un livre blanc intitulé Vers des élections crédibles en 2023, présenté par la Conférence des évêques catholiques du Congo (Cenco) et l’Église du Christ au Congo (ECC).
Dans ce document, il est notamment demandé aux États-Unis de fournir un « soutien financier et logistique » pour organiser une « importante mission d’observation électorale professionnelle, capable de garantir la crédibilité et la transparence des élections de 2023 ».
Le révérend David Malloy, évêque de Rockford (Illinois) et président du Comité de l’USCCB pour la justice internationale et la paix a partagé ce livre blanc avec Blinken en juin 2021.
Avec Jeune Afrique