Après la présidentielle et les législatives en décembre dernier, la vie politique congolaise est cristallisée autour des élections des gouverneurs des provinces et des sénateurs. Les enjeux sont de taille pour Kinshasa, capitale de la RDC, prise en étau par une « gouvernance prédatrice, chaotique, vampirisatrice ». Au portillon de l’Hôtel de ville se bousculent bien de candidats, désireux de prendre la succession de Ngobila. A ceux-ci, l’Observatoire de la gouvernance, une structure de recherche en sciences sociales de l’Université de Kinshasa, a fait part des huit problèmes qui laminent la gestion de la capitale congolaise. Des vraies patates chaudes.
Le premier d’entre ces problèmes, décelés après des recherches dans le secteur de la gouvernance sociale, est la dépendance des autorités de Kinshasa aux dirigeants au niveau national, leur allégeance aux autorités morales des partis et regroupements politiques ainsi que leur dépendance aux expatriés indo-pakistanais, turcs et libanais qui contrôlent l’essentiel de l’économie de la ville.
Cette gouvernance, ont poursuivi ces professeurs-chercheurs, est en plus de mauvaise qualité. De leur avis, la décentralisation est piégée à Kinshasa par le fait que les gouverneurs n’ont pas été capables de poser des actes de libre administration de la province. Ce qui constitue le deuxième problème à résoudre avant de se pencher sur celui du chômage des jeunes et des adultes.
« Avec une population estimée à plus ou moins 12 millions d’habitants, Kinshasa n’a pas créé d’emplois alors que les nombreuses universités et instituts supérieurs ne cessent de larguer sur le marché des milliers des diplômés annuellement », ont relevé les chercheurs de l’Observatoire de la gouvernance, peu avant d’évoquer la problématique de logement. A Kinshasa, la population est logée de manière « précaire et anarchique ».
« Les dignitaires des 30 dernières années se sont accaparés de 79% de la superficie urbaine (Maluku, N’sele et Mont-Ngafula) qui ont été mis en jachère au nom des pseudos fermes sans plantes ni élevages, avec comme conséquence: le rétrécissement de l’habitat », ont déploré ces professeurs.
Et de peindre un tableau noir de la ville :
« Les espaces stratégiques sont envahis par la population. Notamment les rivages du fleuve et des rivières urbaines, les camps militaires, la ligne de haute tension, le chemin de fer… Les stations-services, les poubelles publiques et les antennes des sociétés de télécommunication sont installées jusque dans les parcelles, en dépit de tout autre risque. Kinshasa n’a à ce jour aucun plan d’aménagement urbain et va vers la crise des cimetières, avec l’enterrement des Kinois au Kongo Central. Et, par l’entremise du phénomène de morcellement des parcelles, les fosses septiques sont creusées en dessous des salons et salles à manger de certaines maisons ».
La criminalité urbaine et juvénile (phénomène Kuluna), la crise de gestion des déchets solides, liquides et gazeux, y compris des érosions, ravins et éboulements des terres dans certains quartiers, la question des transports, voies de communication et espaces récréatifs ainsi que celle relative à l’accès difficile aux soins de santé, apparaissent dans l’étude de l’Observatoire de gouvernance comme des problèmes à résoudre pour réussir la gestion de Kinshasa. A leur côté, se pointe l’épineuse question de gestion des mentalités citoyennes.
Ces problèmes, selon l’Observatoire de la gouvernance, est la conséquence d’une « crise d’intelligence stratégique » dont ont fait preuve les dirigeants de Kinshasa. La balle, à l’en croire, est dans le camp des députés provinciaux qui ont la lourde responsabilité de voter le prochain gouverneur de Kinshasa.
Giscard Havril Mane