Le conseiller spécial du chef de l’État en charge des questions stratégiques a surpris plus d’un observateur. A peine vingt-quatre heures après la publication d’un article de presse, le 15 septembre 2022, dévoilant une « tentative de trafic d’influence », Vidiye Tshimanga Tshipanda a vite décidé. A l’extrême : la démission. Un acte rarissime dans la pratique politique en RD Congo.
Quelle que soit la part de vérité de faits sur cette affaire, non moins gravissime, Vidiye Tshimanga aura marqué, dans un sens comme dans un autre, par sa décision, cette mandature du locataire du Palais de la nation. Non contraint à cet effet par une initiative judiciaire, il témoigne que la politique doit rimer avec l’honorabilité et la respectabilité « en acte ». Chapeau bas !
Mais, à l’analyse de la forme et du fond de la correspondance administrative se rapportant à la « Démission du Conseiller Spécial », quelques observations.
De un. La double identité du destinateur. Dans cette correspondance, Vidiye Tshimanga présenté, en haut du document, comme « Conseiller en charge des questions stratégiques », précise, dans le corps du texte, sa « fonction de Conseiller spécial du Chef de l’État ». La différence est de taille. Considérant que, dans la structure du cabinet du chef de l’État, il y a plusieurs catégories de conseillers dont les fonctions n’ont pas les mêmes implications : conseillers spéciaux, conseillers principaux et conseillers.
Par ailleurs, le corps de cette correspondance, rédigée manifestement dans Microsoft Word, accusant une différence de style de justification rompant avec la pratique administrative à la Présidence de la République dont l’alignement des textes se fait à deux niveaux, à savoir : à gauche et à droite.
De deux. L’entête de la correspondance est différente des documents officiels de la Présidence de la République. Même dans l’hypothèse où chaque conseiller spécial aurait la latitude de concevoir son entête, il est nettement lisible, à observer de près, que celle de la correspondance sous-examen ne désigne pas, selon la terminologie consacrée, le cadre de référence, à savoir : la « Présidence de la République » à ne pas confondre avec la « Présidence » comme y indiquée. Dautant plus que la Présidence de la République comprend une pléthore de services. Il ne serait pas inopportun de préciser, à l’entête, « cabinet du chef de l’État » qui aurait permis de relativiser la désignation incomplète du cadre de référence « Présidence ».
De trois. Le démissionnaire ne semble pas accorder, dans cette correspondance, une marge de réaction à son destinataire. Eu égard à la fonction assumée par Vidiye Tshimanga, le plaçant dans une relation de collaboration directe avec le Chef de l’État, la démission renvoie à un « Acte écrit dans lequel on notifie sa volonté (et non pas sa décision) de se démettre ». Ceci met en exergue la loyauté pouvant astreindre, selon le bon vouloir de la hiérarchie, à marcher en violation de sa propre volonté. Ceci ne ressort pas clairement de cette correspondance.
C’est probablement parce qu’il s’agirait d’une démission d’office, c’est-à-dire celle « masquant une révocation ».
En effet, quelques heures plus tôt, la Cellule de communication de la Présidence de la République a rendu public un communiqué d’un ton tranchant : « Toute personne, y compris au sein du Cabinet du Président de la République, dont le comportement avéré aura enfreint la loi, la déontologie de sa fonction ou le règlement dordre intérieur du cabinet présidentiel, subira la rigueur de leurs effets ».
Je continue de douter de l’authenticité de la lettre de démission attribuée à Vidiye Tshimanga, sur la toile. Si c’est prouvé, j’aurai noté que la forme et le fond de cette correspondance administrative plaident peu en faveur de l’observance rigoureuse de précautions scripturales qu’exigerait la fonction dont il a démissionné. En effet, ils tendent à traduire de la précipitation doublée d’un déficit d’attention, susceptibles d’indiquer un pétage de plombs, c’est-à-dire une « perte de contrôle de soi-même », qu’aurait accusé le stratège.
C’est pourtant face à la gravité d’une situation, comme celle dont il est victime, qu’est révélée la force de la froideur suivant les préceptes, notamment, du célébrissime Sun Tzu : « Sois subtil jusqu’à l’invisible ; sois mystérieux jusqu’à l’inaudible alors tu pourras maîtriser le destin de tes adversaires ».
Lembisa Tini (PhD)