Le secrétaire d’Etat américain arrive ce mardi en République démocratique du Congo pour une visite officielle de deux jours. Une première depuis sa nomination.
Qu’attendre de la visite du chef de la diplomatie américaine sur le sol congolais ? Antony Blinken vient trouver un pays tourmenté par la crise sécuritaire dans sa partie Est.
Depuis près de deux mois, les rebelles du M23 se sont accaparés de la cité frontalière de Bunagana, dans le territoire de Rutshuru (Nord-Kivu), bien aidé par l’armée rwandaise, à en croire le rapport du groupe d’experts des Nations-Unies destiné au Conseil de sécurité, qui a fuité dans les médias la semaine dernière.
Dans l’opinion, beaucoup pensent que Washington a le pouvoir d’« interdire de faire » et être entendu dans l’immédiat, dans cette nouvelle crise sécuritaire qui ajoute son lot de vulnérabilité dans une région déchirée depuis près de trois décennies.
« Le secrétaire d’Etat Blinken devrait informer le président rwandais Paul Kagame que les Etats-Unis ne tolèrent aucun soutien au M23, comme l’a fait le président Barack Obama en 2012 », espère le Père Rigobert Minani du Centre d’études pour l’action sociale (CEPAS). Cela tombe à point car la prochaine étape de sa tournée africaine après la RDC, ce sera le Rwanda.
L’administration Biden a-t-elle le même regard ou la même sensibilité sur la question du M23 que l’ancienne administration Obama qui avait demandé à cette rébellion de se retirer alors qu’il contrôlait Goma ? Tout reste à vérifier.
En attendant, Kinshasa ne cesse d’appeler la communauté internationale à prendre des sanctions diplomatiques, économiques et politiques contre le Rwanda, après ce rapport accablant des experts onusiens.
De son côté, Kigali a évolué dans sa rhétorique, quittant carrément la « dénégation » pour la « justification » de ses actions militaires en RDC. Comme toujours, c’est l’argument FDLR, brandies comme une menace pour sa sécurité interne, qui est mis en avant.
Monusco
Par ailleurs, difficile pour Antony Blinken d’échapper à la question de la mission onusienne (Monusco) confrontée actuellement à un rejet populaire.
Fin juillet, plus de trente Congolais ont trouvé la mort à Goma et à Butembo dans des violentes manifestations anti-Monusco. Deux autres civils ont été tués à Kasindi, par des casques bleus de la brigade d’intervention de la Monusco, le 31 juillet dernier.
Entre une population qui en a marre de cette force présente en RDC depuis 1999 et jugée complaisante face à l’insécurité et aux massacres des civils, et une Monusco qui entend jouer les prolongations avec le fameux processus de retrait progressif, le secrétaire d’Etat américain doit couper la poire en deux. Évidemment qu’il ne s’écartera pas de la position du Conseil de sécurité qui renouvelle chaque année le mandat de cette force, la plus onéreuse et importante au monde.
Elections
Antony Blinken aura aussi ses mots à dire sur le processus électoral. Conformément au délai constitutionnel, la RDC doit tenir ses élections générales à la fin de l’année prochaine. Mais à une année des échéances, l’incertitude commence à gagner du terrain, notamment face à un certain retard accusé par la Commission électoral nationale indépendante (CENI).
L’équipe actuelle dirigée par Denis Kadima a pris les commandes en octobre 2021 avec 28 mois de retard, mais affiche en public un optimisme quant à sa volonté de respecter le délai constitutionnel, elle qui vient de sélectionner une entreprise coréenne pour la fourniture des kits d’enrôlement et d’identification des électeurs.
Le problème est que les fonds, pour le financement de ses opérations, tombent à compte-goutte, côté gouvernement.
L’Etat congolais accuse un retard de plus ou moins trois mois dans le financement. La communauté internationale, elle, n’a pas encore fait des pas concrets, malgré sa promesse d’accompagner, cette fois-ci, le processus. Contrairement aux deux derniers cycles avec Joseph Kabila, le président actuel, Félix Tshisekedi, lui a ouvert les portes.
Des questions de respect des droits de l’homme, des libertés d’opinion et de manifestation, de la protection de l’environnement, de lutte contre la corruption, de transparence dans les industries extractives seront aussi sur la table des échanges entre Blinken, les autorités congolaises et la société civile.
Socrate Nsimba