L’actualité politique a été abondante en 2022, une année marquée notamment par des divorces politiques. D’autres inattendus, d’autres moins.
Kabund vs Tshisekedi
Qui aurait cru qu’un banal incident routier aurait sonné le glas des relations entre Jean-Marc Kabund et Félix-Antoine Tshisekedi ? Nous sommes en janvier 2022, Jean-Marc Kabund qui s’est fait depuis une réputation de « régulateur de la circulation routière » sur l’avenue des Poids-lourds, intercepte un véhicule roulant à un sens contraire. Les gardes du tout-puissant premier vice-président de l’Assemblée nationale cueillent un élément de la garde républicaine qui était à bord avant de le transférer à l’auditorat militaire. Les vidéos circulent sur les réseaux sociaux et on pense alors que l’histoire s’arrête là. Sauf qu’il s’agissait du véhicule d’une cousine du président de la République. Le lendemain, c’est toute une équipe de garde présidentielle qui effectue une descente punitive à la résidence de Kabund au quartier Kingabwa à Limete. Ces éléments vont molester tous les gardes de l’homme fort du régime et saccager ses biens.
Le lendemain, Kabund annonce, via tweeter, sa démission de ses fonctions de premier vice-président de l’Assemblée nationale.
En ce jour je prends la décision de démissionner de mes fonctions de 1er VP de l’AN. Ainsi s’ouvre une nouvelle page de l’histoire, qui sera écrite avec la sueur de notre front, qui coulera chaque jour qu’on affrontera les brimades, humiliations et tortures…
— Jean Marc KABUND-A-KABUND (@kabund_jmkkrock) January 14, 2022
Certains partisans de l’UDPS voire le président de l’Assemblée nationale, Christophe Mboso, tentent de l’en dissuader, jusqu’à se rendre compte qu’entre Kabund et Tshisekedi, c’était effectivement fini.
A l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) où il assumait le rôle du président ad interim, on accélère le dossier de sa destitution. Après une visite médicale en Grande Bretagne, Kabund formalise sa démission à l’Assemblée nationale et signe, le 18 juillet, sa première sortie médiatique en tant qu’opposant au régime qu’il qualifie de « jouisseurs » et d’« incompétents. »
Pour lui, Félix Tshisekedi doit être considéré « comme un danger au sommet de l’Etat. » Des déclarations qui vont lui coûter des poursuites judiciaires.
Le 9 août, le procureur près la Cour de Cassation qui le poursuit pour « propagation de faux bruits » et « propos injurieux contre les institutions», le place en détention provisoire. Le président de l’Alliance pour le changement (A.ch) reste jusqu’à présent détenu à la prison centrale de Makala, malgré la décision de la Cour de cassation de l’assigner en résidence surveillée.
Muzito vs Fayulu
Ils étaient les derniers rescapés de la coalition Lamuka qui a porté la candidature de Martin Fayulu à la présidentielle de 2018. Adolphe Muzito et Martin Fayulu n’ont vraiment plus parlé le même langage en 2022. A la base de cette dissonance, le Bloc patriotique qui rassemble, comme par hasard, Martin Fayulu et Joseph Kabila. Une aberration pour Adolphe Muzito qui refuse de se laisser embarquer dans un deal avec le géniteur de la « crise de légitimité », quand bien même ce Bloc se construit autour des laïcs catholiques et protestants. Pour lui, Tshisekedi n’est que le bénéficiaire d’un «hold-up électoral » orchestré par Kabila qui n’est pas le mieux placé pour résoudre un problème qu’il aurait lui-même créé.
En 2022, Muzito et Fayulu n’ont jamais été vus ensemble. Même lorsqu’il fallait faire la passation à la tête du présidium de Lamuka, les deux ont délégué leurs secrétaires généraux du parti. La semaine dernière, Martin Fayulu a accusé Adolphe Muzito de déserter le présidium de cette coalition. Cela, après avoir refusé de siéger avec Paulin Mboma, le président statutaire de Nouvel Élan délégué par Muzito pour le représenter à la dernière réunion du présidium. Si aucun de deux ne le dit ouvertement, il passe sans dire que les relations entre Muzito et Fayulu ont atteint un point de non-retour.
Tshisekedi vs Katumbi
Si les deux premières ruptures paraissent plus ou moins surprenantes, celle entre Moïse Katumbi et Félix-Antoine Tshisekedi était plus que prévisible. Elle est intervenue à la fin de l’année, alors que depuis plusieurs mois, les deux camps ne s’échangeaient plus de mots gentils malgré qu’ils étaient encore membre l’Union sacrée. Le 16 décembre, lors d’une interview à RFI et France 24, Moïse Katumbi annonce sa candidature à la présidentielle du 20 décembre 2023 et en même temps, son départ de l’Union sacrée. Une position que va entériner, quelques jours après, son parti, au terme de son congrès à Lubumbashi.
Trois des six ministres issus d’Ensemble pour la République vont alors démissionner : Christian Mwando du Plan, Chérubin Okende du Transport, Voies de Communication et de Désenclavement et Véronique Kilumba, vice-ministre de la santé publique.
Ainsi, marque la fin officielle du deal entre Moïse Katumbi et Félix-Antoine Tshisekedi. Un deal né de la volonté de « déboulonner » le Front commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila fin 2020. Ainsi, s’annonce un duel sans merci d’ici le 20 décembre 2023 entre les deux hommes.
Socrate Nsimba