Mercredi, ça a été un rendez-vous manqué. Mais, pas ce samedi. Des engins de l’Hôtel de ville, sous escorte des éléments de la Police nationale congolaise (PNC), ont investi le cimetière de Kinsuka, dans la commune de Mont-Ngafula, pour procéder à l’opération de démolition des constructions anarchiques.
Triste journée ce samedi au cimetière de Kinsuka, où cohabitent des morts et des vivants. Ces derniers ont assisté impuissants à l’opération de démolition de leurs habitations qui superposent celles des défunts.
Des familles se sont retrouvées à la belle étoile avec leurs effets, ne sachant quelle direction prendre.
« Voyons jusqu’où ils vont s’arrêter. S’ils vont nous atteindre, nous irons ailleurs même chez l’oncle à DGC sinon dans des églises », a entendu un reporter d’INFOS.CD de la conversation entre une dame, serrant dans ses bras un bébé, et probablement ses deux grandes filles.
Des terres de cette nécropole, pas que des maisons de fortune sont sorties. Mais aussi des bâtiments de deux voire trois niveaux. Ils n’ont pas été épargnés.
Pendant que des tracteurs, conduits par des militaires et policiers roulaient sur différentes constructions, des familles modestes ont résolu de mettre à l’abri leurs biens et de démonter leurs maisons pour tenter de récupérer certains matériaux comme des tôles et des chevrons.
Dans une telle atmosphère, difficile d’arracher la moindre réaction des victimes, concentrées soit à trouver une destination finale ou un transit soit encore à réduire le niveau de perte.
Confondu dans la foule au cours d’un échange improvisé, nous avons pu recueillir l’impression d’une victime qui indique qu’une « délégation a été constituée pour aller rencontrer des autorités (sans autre précision, NDLR). Nous avons brandi des documents mais ceux-ci n’ont pas été pris en compte, car jugés illégaux ».
Pourtant, a affirmé cet homme, la soixantaine, qui tentait à peine de dissimuler ses émotions, ces documents leur ont été livrés par les services communaux.
Il a confié avoir déboursé jusqu’à 22 000 dollars pour s’offrir l’espace où il a érigé sa maison désormais détruite. Auprès de qui?
« D’un chef coutumier », a-t-il répondu.
La procédure d’obtention des documents est truffée de mensonges et fondée sur un jeu de pots-de-vin entre l’acheteur, le vendeur et le service public, à en croire des témoignages recueillis sur place.
« Ils s’en vont chercher des documents à la maison communale comme des acheteurs au quartier Mazal (situé en face du cimetière, de l’autre côté de la route qui mène à Mbudi, NDLR). Mais ils sont enregistrés à la Regideso et à la SNEL. Nombreux ont déjà commencé à payer normalement leurs factures de consommation d’eau et d’électricité », nous a dit une occupante de la nécropole de Kinsuka dans sa zone supposée désaffectée et donc épargnée de cette opération de démolition.
L’État pas solidaire
Des victimes ont dénoncé un manque de solidarité de l’État, qui les a expulsés au terme d’un moratoire très court.
« L’avertissement n’a duré qu’une semaine. Le temps a été très court pour nous permettre de trouver des points de chute. Ils auraient dû nous accorder au moins un mois », a dit une autre victime de cette démolition, la deuxième pour elle.
« La première fois, c’était en 2014 à l’époque de Kimbuta (ancien gouverneur de Kinshasa) », a-t-il raconté.
« Les démolitions d’alors n’ont pas arrêté la spoliation. Quelques temps après, des maisons ont été érigées de manière accélérée. Quand j’ai vu ça, je me suis dit que cet espace est définitivement à la portée de la population. Ainsi, j’ai accepté d’avoir mon terrain avant que ça ne devienne trop cher comme à Mbudi (où le prix d’une parcelle de 20m sur 25 se négocie actuellement autour de 200 000 dollars, NDLR) », a-t-il motivé.
Et de formuler :
« Nous espérons qu’après nous, ils ne vont plus revendre. Ils ne sont pas à leur première démolition dans ce cimetière ».
Démolition, oui. Et après ? Quel sort réservé à ces chefs coutumiers qui s’autorisent de spolier, en complicité avec des agents de l’État, des espaces fichés non-aedificandi ?
Tant que des réponses pertinentes, accompagnées des mesures draconiennes et efficaces, ne seront pas trouvées, pas étonnant de retourner à chaque fois à la case départ.
En attendant, la démolition des constructions anarchiques au cimetière de Kinsuka va se poursuivre toute la semaine prochaine, a informé à INFOSC.D des policiers commis à l’exécution de cette opération.
Laurent Omba