Elle devient de plus en plus lointaine l’époque où seuls les « Lubas », pour identifier les ressortissants du Kasaï, étaient considérés comme des consommateurs de la viande de chien. Reportage.
Nous sommes dans la concession de la Société commerciale des transports et des ports (SCTP), dans la commune de Limete. Plus précisément à Kawele, un bidonville voisin du très célèbre Pakadjuma, habité majoritairement par des ressortissants du grand Equateur.
Et pourtant, une gargote (Malewa) y fait son nom depuis un certain temps pour sa spécialité : préparation de la viande de chien.
C’est un hangar de plus ou moins 16 mètres carrés qui sert de « restaurant » tenu par la très célèbre « maman Beya », une jeune dame qui n’a pas encore fêté ses trente ans. Elle gère les affaires de son mari.
Autour d’une table, trois hommes adultes et un enfant. Chacun a son assiette bien garnie de la «meilleure viande du monde», disent certains. Comme accompagnement, la Chikwangue. On peut déjà comprendre que personne parmi eux n’est Kasaïen. Et pourtant…
« Chaque tribu a sa façon de préparer la viande de chien. Les Lubas préparent de leur manière. Nous, on la prépare comme nous avions l’habitude de le faire avec les autres animaux depuis l’intérieur du pays », explique « maman Beya ».
Selon des vétérinaires, la consommation de la viande de chien présente des risques sur la santé, comme la transmission de la rage.
Pour cela, la vendeuse ne s’inquiète pas.
« Nous savons comment reconnaître un chien malade », affirme-t-elle.
La vie se joue donc dans la vue.
Pas de quoi inquiéter aussi Héritier, la trentaine, habitant la commune de Matete, devenu au fil des années un grand consommateur.
« C’est une habitude pour moi. Avant d’aller au boulot en ville, je passe ici pour manger ma viande et reprendre de force », raconte-t-il.
Et d’ajouter : «J’ai commencé à manger cette viande depuis 2013. Nous mangeons, ici, avec les Tetela, les Mongo, les Lubas, hommes ou femmes».
Pour découvrir comment les Lubas préparent, il faut juste faire quelques mètres, non loin d’un arrêt des taxi-motos, où une autre gargote, tenue par un Luba, prospère également..
« Je prépare quand je veux. Ici, presque tout le monde sait préparer la viande de chien. Quand ils ont l’occasion de se procurer un chien, ils le préparent et revendent également à leur tour », explique Alain, son propriétaire, qui fait aussi de la moto-taxi.
Dans plusieurs coins de Kinshasa, il n’est plus rare d’identifier un « Malewa » où on prépare la viande de chien. D’autres la présentent sous forme de brochettes. Désolé pour les ignorants qui croiraient à une viande de boeuf !
La viande de chien attire aussi car, contrairement à d’autres, elle est vendue à un prix bon marché. Avec 500 francs, l’on peut se procurer un bon morceau.
« Avec le temps qui court, vaut mieux un ventre plein qu’une bouche exigeante », ironise un consommateur.
Mais où est-ce que ces vendeurs de la viande de chien s’approvisionnent ? «D’abord chez des particuliers», répond «maman Beya».
« Ceux qui vendent généralement leur chien, ils le font quand l’animal prend de l’âge ».
Elle raconte qu’un chien vivant peut coûter jusqu’à 25 000 francs. De quoi réserver à chaque client de gros morceaux.
Il existerait aussi quelques marchés, un peu comme des abattoirs, de vente en grande quantité de cette viande.
Les chiens de race, on y touche pas. En plus d’être rares, ils sont impropres à la consommation.
« Si tu veux rejoindre les ancêtres, il faut oser », nous prévient Mathy, dresseur de chiens chez Zoogle.
Ce qui est sûr, ceux qui observent la journée mondiale du chien ce 26 août ne fréquenteront jamais la gargote de Kawele.
Djo Kabika