Dans la capitale congolaise, la prolifération des églises évangéliques dans chaque coin des rues n’est pas sans conséquence sur la quiétude du voisinage.
Nous sommes sur l’avenue Turumbu, quartier Yolo Sud, dans la commune de Kalamu. Les voisins de la parcelle abritant « Troupeau de l’Éternel » n’en peuvent plus. Des bruits produits au quotidien par cette église dès 5 heures du matin, l’heure des cultes matinaux, sont invivables.
Il y a quelques semaines, un groupe a pris l’initiative d’aller interpeler le pasteur responsable. Peine perdue. Rien n’a changé.
Ils n’avaient alors qu’une seule option: porter plainte à la police. Une initiative qu’ils n’ont pourtant pas prise.
« Parce que les mêmes autorités reçoivent de l’argent de ces églises pour ne pas les inquiéter. Nous aurons perdu notre temps et nos énergies dans une telle démarche. On connaît ce pays et les agissements des gens », explique une dame septuagénaire qui faisait partie du groupe de lésés.
Une église au sein d’une habitation
Si elle et ses voisins pensent vivre le pire, ce qu’ils n’ont pas visité un appartement de trois niveaux sur l’avenue Kapela, toujours dans la même commune de Kalamu. Dans cet bâtiment à usage domestique et avec plusieurs locataires, une église loue une pièce.
Petite pièce, mais deux gros baffles, de quoi rivaliser avec des bars qui sont aux alentours. Et malheur aux voisins locataires de l’appartement, victimes collatérales d’un combat visiblement « spirituel ».
Une dame d’une soixantaine d’années qui occupait une pièce au premier niveau a dû déménager à cause des bruits des chants d’adoration, des cris de prédicateurs, des veillées de prière et autres prières d’autorité pour faire fuire les démons.
Et pourtant, elle jure qu’elle n’est pas une démon et si elle a préféré s’en aller, c’est avant tout pour ses problèmes de santé qui lui exigent un minimum de tranquillité.
« Elle soufrait du cœur. Elle n’a pas supporté les bruits », témoigne l’une des occupants de l’immeuble.
Au croisement Kimweza – Mopono, l’église la Puissance, du célèbre évangéliste Jean-Oscar Kiziamina Kibila, place ses gros baffles sur la chaussée pour ne pas se faire bouffer, elle aussi, par des bars et terrasses en face.
De l’autre côté de la route Mompono, au quartier Yolo Nord, trône l’« Assemblée charismatique la Gloire ».
L’une de ses membres du service de communication explique que son église fait un effort de gérer sa sonorité de façon à ne pas déranger la quiétude des voisins.
« Déjà dans les églises de reveil, chacun gère sons et bruits de sa manière. Chez nous, nos bruits touchent plus les voisins directs à l’église, mais pas au-delà de deux ou trois parcelles », explique-t-elle.
La tranquillité des voisins directs ne compte-elle pas ? Voisine de cette église, Hélène Songa, elle, ne cesse de se plaindre des tapages sonores de cette église.
« Quand ils allument leurs instruments, c’est comme si ce culte est dans votre salon. Juste un mur nous sépare de l’église. Comment vivre ? Et nos enfants ? Nos malades? C’est insensé je trouve », s’indigne la dame à la chevelure blanche.
Les « histoires de Dieu »
Comme il s’agit des « histoires de Dieu », beaucoup n’osent pas se plaindre de ces tapages. D’autres par ailleurs ignorent que la loi leur donne le droit denoncer le tapage sonore.
« C’est nous qui souffrons à cause de l’hypocrisie. Au nom de la foi ou de la parole de Dieu, nous reculons souvent devant nos droits. Pourtant, Dieu la condamne. Plusieurs fois, lorsqu’il faut initier des démarches dans le sens d’interpeller les responsables des églises, nombreuses personnes reculent pour ne pas se liguer contre Dieu. Quel est ce Dieu qui aime l’anarchie ? », déplore Mme Songa.
Kembo, voisin de l’église de Kiziamina, affirme n’avoir jamais osé interpeller le responsable de cette église, par peur d’être « qualifié de sorcier, hostile aux affaires de Dieu. »
Et pourtant, non loin de là, il y a une grande paroisse catholique Saint Gabriel qui n’est pas indexée dans les tapages sonores. Un peu comme toutes les paroisses catholiques, protestantes, musulmanes ou Kimbanguistes.
Giscard Havril Mane
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